// ID CiTé
Veille juridique - Actualité professionnelle des Collectivités Territoriales






Services publics

Actu - Certaines populations spécifiques restent structurellement pénalisées par le développement de l’administration numérique - Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? (Défenseur des droits)

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 17/02/2022 )



Actu - Certaines populations spécifiques restent structurellement pénalisées par le développement de l’administration numérique - Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? (Défenseur des droits)
C’est le cas des personnes en situation de handicap, pour qui l’accessibilité de trop nombreux sites publics se fait encore attendre. Le même constat prévaut pour les personnes détenues, alors qu’elles sont, comme toutes et tous, confrontées à la nécessité de réaliser des démarches administratives, pour les personnes en situation de précarité, pour les personnes âgées ou pour les majeurs protégés.

La politique d’inclusion numérique menée depuis 2018 ne permet pas aujourd’hui de répondre à ces enjeux, parce qu’elle est encore trop récente sans doute, mais aussi parce qu’elle présente des faiblesses.
La transformation numérique de l’administration, telle qu’elle est menée aujourd’hui, et la politique d’inclusion numérique qui l’accompagne, impliquent une transformation du rôle de l’usager dans la production même du service public : il en devient le coproducteur malgré lui. C’est à lui qu’il revient de s’équiper, de s’informer, le cas échéant de se former et, partant, d’être en capacité d’effectuer ses démarches en ligne, tout en répondant aux « canons » fixés par l’administration : comprendre les enjeux de la démarche, le langage administratif, ne pas commettre d’erreur au risque de se retrouver en situation de non accès à ses droits. Sur les épaules de l’usager ou de ses « aidants » reposent désormais la charge et la responsabilité du bon fonctionnement de la procédure. On demande en réalité aux usagers de faire plus pour que l’administration fasse moins et économise des ressources.

Outre les problèmes de principe que pose cet insidieux glissement, tous les usagers ne sont pas, et ne seront pas avant longtemps, en mesure de faire plus.
Cette externalisation des tâches administratives dresse pour beaucoup une barrière supplémentaire, parfois infranchissable, pour accéder à leurs droits. Elle est également coûteuse, même si ce coût n’est jamais évalué, pour les aidants, familiaux, amicaux, associatifs, travailleurs sociaux, agents des services publics, collectivités territoriales, qui font avec ou pour les usagers en difficulté ces démarches en ligne. Elle coûte enfin en renoncement de certains aux droits dont ils devraient bénéficier et en sentiment d’abandon ressenti par une partie de la population.

Les dispositifs d’inclusion et d’aide aux usagers sont, dans cette perspective, essentiels, notamment pour les personnes les plus en difficulté.
Mais à eux seuls ces dispositifs ne peuvent, sauf à croire qu’en quelques mois ou années l’ensemble des usagers sera autonome et connecté, « transformer » les usagers en usagers utiles pour l’administration. Or, la dématérialisation des procédures est déjà largement une réalité et tout indique que de plus en plus de procédures sont appelées à être dématérialisées.
Dès lors, et malgré des progrès et une volonté politique d’améliorer les choses, la Défenseure des droits ne peut que réaffirmer ce qui était écrit dans le rapport de 2019 : la dématérialisation ne sera pas un levier d’amélioration de l’accès de toutes et de tous aux droits si « l’ambition collective se résume à pallier la disparition des services publics sur certains territoires et à privilégier une approche budgétaire et comptable.

La Défenseure des droits propose dans ce rapport des pistes pour contribuer à ce que la dématérialisation se fasse au bénéfice de tous les usagers, et non au détriment d’une partie d’entre eux.
Il faut bien sûr renforcer l’efficacité de la politique d’inclusion numérique, l’inscrire dans le temps, lui donner moyens et visibilité, améliorer la qualité des procédures dématérialisées. De nombreuses mesures sont proposées dans cette direction, en particulier pour les populations actuellement les plus pénalisées par la dématérialisation.
Mais il est surtout proposé de renverser la perspective, et d’offrir aux usagers la possibilité de choisir réellement leurs modes d’interaction avec les administrations afin que le service public s’adapte aux besoins et aux réalités des usagers et non l’inverse.

Il s’agit là de revenir aux fondements du service public et de revitaliser ses grands principes que sont la continuité, l’égalité et l’adaptabilité.
La dématérialisation des procédures administratives s’inscrirait ainsi comme une offre supplémentaire et non substitutive au guichet, au courrier papier ou au téléphone. Ce serait d’ailleurs la marque d’une confiance réelle dans les gains qu’elle peut apporter pour améliorer l’accès de tous et de toutes aux droits. Elle permettrait de penser l’organisation du service public non pas à partir des attentes et des priorités des administrations, mais à partir de la situation réelle des gens, qui doit être reconnue et prise en compte, dans toute sa complexité.
La transformation numérique des administrations n’est soutenable que si elle est incluse dans une ambition bien plus large et bien plus exigeante, celle d’une administration parfaitement accessible à tous et à toutes et investie de la responsabilité que chacun et chacune ait accès à ses droits.

Défenseur des droits >> 
Rapport 2022

Baromètre « Les Français et le droit à l’erreur : 77 % des Français font confiance à l'administration
MFP
>> Etude complète
 











Les derniers articles les plus lus