Au sommaire
I - Le principe de proportionnalité s’est impose comme l’"exigence d’un rapport, d’une adéquation, entre les moyens employés par l’administration et le but qu’elle vise".
A. Ce principe, issu du droit allemand, vise à promouvoir une action publique mesurée et respectueuse des droits fondamentaux.
1. Consacré par la Cour administrative suprême de Prusse dès 1882, avec l’arrêt Kreuzberg, le principe de proportionnalité découle aujourd’hui de l’interprétation des articles 19 et 20 de la Loi fondamentale allemande de 1949 qui garantissent la protection des droits fondamentaux, d’une part, et la défense de l’État de droit, de l’autre…
2. Sous des formes très variées, le principe de proportionnalité est présent dans la quasi-totalité des pays européens, mais c’est dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’Union européenne qu’il s’exprime le plus nettement…
B. En France, le principe de proportionnalité est devenu un mécanisme structurant du régime de garantie des libertés.
1. Ce principe n’a longtemps bénéficié d’aucune reconnaissance explicite en droit français, ni a fortiori, d’aucune consécration constitutionnelle…
2. L’exigence de proportionnalité est aussi présente en droit constitutionnel, soit que le texte constitutionnel la prévoie expressément, soit que le Conseil constitutionnel ait lui-même affirmé ce contrôle dans sa jurisprudence…
II - Sous l’influence du droit européen, le principe de proportionnalité se transforme au service d’une protection accrue des droits fondamentaux.
A. La conception des cours européennes de la proportionnalité influe sur les déclinaisons nationales de ce principe.
1. La mise en œuvre du principe de proportionnalité renseigne sur la place qu’une société reconnaît réellement aux droits et libertés, dès lors que ce principe encadre les atteintes qui peuvent y être portées…
2. Cette influence européenne fait ressentir ses effets partout en Europe et, notamment, en France où le droit européen a induit une "généralisation" et une "intensification" du contrôle de proportionnalité...
B. Si l’influence croisée des droits tend à renforcer le principe de proportionnalité au profit de la garantie des droits, il ne s’exerce pas encore de manière générale.
1. Le principe de proportionnalité souligne de manière remarquable l’idée d’une "fécondation croisée" des droits en Europe...
2. Mais ce phénomène de convergence ne doit pas conduire à de trop hâtives conclusions…
En conclusion : (…) Le principe de proportionnalité est "le complément nécessaire de l’intérêt public". Mais s’il "manifeste qu’un intérêt public en soi suffisant ne peut (…) se réaliser à n’importe quel prix (…)", il ne saurait se traduire par une remise en cause du principe même de la séparation des pouvoirs et du pouvoir d’appréciation des Gouvernements et des Parlements. Le principe de proportionnalité est indispensable à la garantie de l’État de droit, mais il ne saurait conduire à méconnaître les intérêts généraux dont l’État et les collectivités publiques ont la charge et qui sont, avec les libertés et les droits fondamentaux, les piliers du vivre-ensemble. Il est important de souligner que les cours européennes ont procédé, ces toutes dernières années, à une mise en balance plus attentive et prudente de l’ensemble de ces exigences. C’est une évolution qui mérite d’être à la fois saluée et confirmée. (…)
Conseil d'Etat - 2017-03-23