Le 25 octobre, le Conseil d’État a rendu sa décision dans l’affaire de Ploërmel (Morbihan) : la statue du pape Jean-Paul II peut demeurer à sa place, sans la croix qui la surmonte.
Conscient de l’émotion suscitée, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, en réexplique la logique.
Jean-Marc Sauvé : La représentation d’un personnage comme le pape Jean-Paul II, y compris pourvu de l’ensemble des attributs liés à sa mission spirituelle, ne pose pas de difficultés compte tenu de sa dimension historique, politique et internationale. La loi de 1905 interdit seulement, mais de manière très claire, "d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public"…
A propos des crèches de Noël, le Conseil d’État invitait à regarder le "contexte" de leur installation. Pourquoi avoir balayé, cette fois, l’argument de "la forte tradition catholique locale" ?
Jean-Marc Sauvé : La loi préserve l’ensemble du patrimoine religieux tel qu’il existait avant la loi de 1905. Pour les signes ou emblèmes religieux élevés dans les espaces publics après 1905, cette loi a posé un clair principe d’interdiction, sauf pour les lieux de culte, les cimetières et les musées.
En revanche, tout est permis sur les propriétés privées, même visibles depuis l’espace public. Ces règles, très libérales, sont claires et stables depuis 112 ans. Elles ne peuvent varier en fonction des opinions religieuses d’une région ou d’une commune ! Notre décision était donc tout à fait prévisible. Concernant les crèches de Noël, c’est uniquement en raison de la pluralité de significations qu’elles revêtent - à la fois culturelle, festive et religieuse - que le juge est conduit à s’interroger sur la présence d’une tradition locale et sur le contexte de leur installation dans un bâtiment ou un lieu public…
Ne s’agit-il pas, comme certains le dénoncent, de prévenir l’installation ultérieure de signes religieux musulmans dans l’espace public ?
Jean-Marc Sauvé : Nous sommes, c’est une évidence, un pays de tradition à la fois judéo-chrétienne et gréco-romaine. Mais notre pacte social contient désormais un principe fondamental de laïcité, qui est un principe de liberté de conscience et de religion, d’égalité des cultes et de neutralité de l’État, et notre décision ne fait que l’appliquer. On ne prend pas en otage un culte pour s’attaquer à un autre.
Comment expliquez-vous l’émotion suscitée ?
Jean-Marc Sauvé : J’exprimerais d’abord deux regrets : que le maire de Ploërmel n’ait pas recherché un avis juridique avant de prendre sa décision et que notre décision - pour des raisons indépendantes de la volonté du juge - intervienne si tard, alors que le monument était depuis longtemps achevé.
Cela dit, je comprends l’émotion qui a pu naître, d’autant que le rôle du Conseil d’État, en disant le droit, est d’aider à surmonter les divisions qui peuvent traverser notre pays. Mais nous ne parviendrions pas à construire la paix civique et sociale si, pour des questions de convenance ou d’opportunité, nous acceptions une application différenciée de la loi.
Conseil d'Etat - 2017-11-09
Conseil d'État N° 396990 - 25 octobre 2017
Communiqué et la décision du Conseil d'État
Conscient de l’émotion suscitée, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, en réexplique la logique.
Jean-Marc Sauvé : La représentation d’un personnage comme le pape Jean-Paul II, y compris pourvu de l’ensemble des attributs liés à sa mission spirituelle, ne pose pas de difficultés compte tenu de sa dimension historique, politique et internationale. La loi de 1905 interdit seulement, mais de manière très claire, "d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public"…
A propos des crèches de Noël, le Conseil d’État invitait à regarder le "contexte" de leur installation. Pourquoi avoir balayé, cette fois, l’argument de "la forte tradition catholique locale" ?
Jean-Marc Sauvé : La loi préserve l’ensemble du patrimoine religieux tel qu’il existait avant la loi de 1905. Pour les signes ou emblèmes religieux élevés dans les espaces publics après 1905, cette loi a posé un clair principe d’interdiction, sauf pour les lieux de culte, les cimetières et les musées.
En revanche, tout est permis sur les propriétés privées, même visibles depuis l’espace public. Ces règles, très libérales, sont claires et stables depuis 112 ans. Elles ne peuvent varier en fonction des opinions religieuses d’une région ou d’une commune ! Notre décision était donc tout à fait prévisible. Concernant les crèches de Noël, c’est uniquement en raison de la pluralité de significations qu’elles revêtent - à la fois culturelle, festive et religieuse - que le juge est conduit à s’interroger sur la présence d’une tradition locale et sur le contexte de leur installation dans un bâtiment ou un lieu public…
Ne s’agit-il pas, comme certains le dénoncent, de prévenir l’installation ultérieure de signes religieux musulmans dans l’espace public ?
Jean-Marc Sauvé : Nous sommes, c’est une évidence, un pays de tradition à la fois judéo-chrétienne et gréco-romaine. Mais notre pacte social contient désormais un principe fondamental de laïcité, qui est un principe de liberté de conscience et de religion, d’égalité des cultes et de neutralité de l’État, et notre décision ne fait que l’appliquer. On ne prend pas en otage un culte pour s’attaquer à un autre.
Comment expliquez-vous l’émotion suscitée ?
Jean-Marc Sauvé : J’exprimerais d’abord deux regrets : que le maire de Ploërmel n’ait pas recherché un avis juridique avant de prendre sa décision et que notre décision - pour des raisons indépendantes de la volonté du juge - intervienne si tard, alors que le monument était depuis longtemps achevé.
Cela dit, je comprends l’émotion qui a pu naître, d’autant que le rôle du Conseil d’État, en disant le droit, est d’aider à surmonter les divisions qui peuvent traverser notre pays. Mais nous ne parviendrions pas à construire la paix civique et sociale si, pour des questions de convenance ou d’opportunité, nous acceptions une application différenciée de la loi.
Conseil d'Etat - 2017-11-09
Conseil d'État N° 396990 - 25 octobre 2017
Communiqué et la décision du Conseil d'État