
Le II de l'article 19 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession prévoit que chaque candidat à l'attribution d'un contrat de concession doit produire l'ensemble des documents justifiant qu'il ne fait l'objet d'aucune des exclusions de la procédure de passation des contrats de concession prévues aux articles 39, 40 et 42 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux mêmes contrats.
Le II de l'article 23 du même décret ajoute, à son second alinéa, que les candidatures irrecevables sont éliminées, en précisant qu'est notamment " irrecevable la candidature présentée par un candidat qui ne peut participer à la procédure de passation en application des articles 39, 40, 42 et 44 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 ".
S'il ressort des pièces du dossier que les articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ont été abrogés par le décret du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique, ces dispositions ont été reprises, en ne recevant que des modifications de pure forme, aux articles R. 3123-16 à R. 3123-21 du code de la commande publique. Dès lors, les conclusions tendant à leur abrogation n'ont pas perdu leur objet et doivent être regardées comme dirigées contre ces derniers articles.
Légalité du décret du 1er février 2016 ?
La société requérante soutient que les articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016, dont les dispositions ont été reprises au code de la commande publique, sont illégaux en ce qu'ils font application de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 qui serait incompatible avec les objectifs de l'article 38 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.
Un tel moyen, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'économie et des finances en défense, peut être utilement soulevé dans la mesure où les dispositions des articles 19 et 23 du décret, qui fixent la liste des documents permettant de justifier que le candidat ne fait l'objet d'aucune exclusion de soumissionner, doivent être regardés comme ayant été pris pour l'application de l'article 39 de l'ordonnance. (…)
La société requérante soutient que le droit français méconnaît les objectifs de la directive du 26 février 2014, dès lors que ni les dispositions de droit interne citées au point précédent ni aucune autre disposition ne prévoient la possibilité, pour un opérateur qui serait condamné par un jugement définitif pour une des infractions qu'elles énumèrent et qui se trouverait de ce fait, en application du 1° de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016, exclu des procédures de passation des contrats de concession pour une durée de cinq ans, de mettre en oeuvre des mesures particulières destinées à attester sa fiabilité auprès d'un pouvoir adjudicateur.
La réponse à apporter à ce moyen dépend du point de savoir si la directive du 26 février 2014 doit être interprétée comme faisant obstacle de façon absolue à ce que la législation d'un Etat membre puisse ne pas ouvrir à un opérateur économique relevant d'un motif d'exclusion tel que ceux mentionnés au 1° de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 la possibilité de fournir des preuves afin d'attester que les mesures qu'il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité au pouvoir adjudicateur malgré l'existence de ce motif d'exclusion, quand bien même il s'agirait d'infractions d'une particulière gravité que le législateur a entendu réprimer, dans un but de moralisation de la commande publique, pour garantir l'exemplarité des candidats.
En outre, le ministre de l'économie et des finances fait valoir, dans ses écritures en défense, qu'il existe dans le droit français différents mécanismes, tels le relèvement - qui permet à la juridiction judiciaire de relever en tout ou partie une personne d'une interdiction, déchéance ou incapacité quelconque résultant d'une condamnation pénale -, la réhabilitation judiciaire - qui permet d'effacer toutes les incapacités et déchéances résultant d'une condamnation - et l'exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, prévus respectivement par l'article 132-21 du code pénal, par l'article 133-12 du code pénal et par l'article 775-1 du code de procédure pénale, et que la directive laisse les Etats membres libres de décider de laisser à chaque pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice la possibilité d'apprécier la pertinence des mesures de mise en conformité ou de confier ces tâches à d'autres pouvoirs à un niveau central ou décentralisé. La réponse à apporter au moyen soulevé par la requête dépend ainsi également du point de savoir si de tels mécanismes, mis en oeuvre par une autorité judiciaire, peuvent être regardés comme des dispositifs de mise en conformité adéquats, ce qui suppose de déterminer si une autorité juridictionnelle peut être regardée comme un pouvoir à un niveau central ou décentralisé, au sens du point 71 des motifs de la directive, et si les conditions d'octroi des mesures judiciaires de la nature de celles qui existent en droit français peuvent permettre de les assimiler à des dispositifs de mise en conformité au sens de la directive.
Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat et présentent une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne…
Conseil d'État N° 419146 - 2019-06-14
Le II de l'article 23 du même décret ajoute, à son second alinéa, que les candidatures irrecevables sont éliminées, en précisant qu'est notamment " irrecevable la candidature présentée par un candidat qui ne peut participer à la procédure de passation en application des articles 39, 40, 42 et 44 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 ".
S'il ressort des pièces du dossier que les articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ont été abrogés par le décret du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du code de la commande publique, ces dispositions ont été reprises, en ne recevant que des modifications de pure forme, aux articles R. 3123-16 à R. 3123-21 du code de la commande publique. Dès lors, les conclusions tendant à leur abrogation n'ont pas perdu leur objet et doivent être regardées comme dirigées contre ces derniers articles.
Légalité du décret du 1er février 2016 ?
La société requérante soutient que les articles 19 et 23 du décret du 1er février 2016, dont les dispositions ont été reprises au code de la commande publique, sont illégaux en ce qu'ils font application de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 qui serait incompatible avec les objectifs de l'article 38 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.
Un tel moyen, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'économie et des finances en défense, peut être utilement soulevé dans la mesure où les dispositions des articles 19 et 23 du décret, qui fixent la liste des documents permettant de justifier que le candidat ne fait l'objet d'aucune exclusion de soumissionner, doivent être regardés comme ayant été pris pour l'application de l'article 39 de l'ordonnance. (…)
La société requérante soutient que le droit français méconnaît les objectifs de la directive du 26 février 2014, dès lors que ni les dispositions de droit interne citées au point précédent ni aucune autre disposition ne prévoient la possibilité, pour un opérateur qui serait condamné par un jugement définitif pour une des infractions qu'elles énumèrent et qui se trouverait de ce fait, en application du 1° de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016, exclu des procédures de passation des contrats de concession pour une durée de cinq ans, de mettre en oeuvre des mesures particulières destinées à attester sa fiabilité auprès d'un pouvoir adjudicateur.
La réponse à apporter à ce moyen dépend du point de savoir si la directive du 26 février 2014 doit être interprétée comme faisant obstacle de façon absolue à ce que la législation d'un Etat membre puisse ne pas ouvrir à un opérateur économique relevant d'un motif d'exclusion tel que ceux mentionnés au 1° de l'article 39 de l'ordonnance du 29 janvier 2016 la possibilité de fournir des preuves afin d'attester que les mesures qu'il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité au pouvoir adjudicateur malgré l'existence de ce motif d'exclusion, quand bien même il s'agirait d'infractions d'une particulière gravité que le législateur a entendu réprimer, dans un but de moralisation de la commande publique, pour garantir l'exemplarité des candidats.
En outre, le ministre de l'économie et des finances fait valoir, dans ses écritures en défense, qu'il existe dans le droit français différents mécanismes, tels le relèvement - qui permet à la juridiction judiciaire de relever en tout ou partie une personne d'une interdiction, déchéance ou incapacité quelconque résultant d'une condamnation pénale -, la réhabilitation judiciaire - qui permet d'effacer toutes les incapacités et déchéances résultant d'une condamnation - et l'exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, prévus respectivement par l'article 132-21 du code pénal, par l'article 133-12 du code pénal et par l'article 775-1 du code de procédure pénale, et que la directive laisse les Etats membres libres de décider de laisser à chaque pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice la possibilité d'apprécier la pertinence des mesures de mise en conformité ou de confier ces tâches à d'autres pouvoirs à un niveau central ou décentralisé. La réponse à apporter au moyen soulevé par la requête dépend ainsi également du point de savoir si de tels mécanismes, mis en oeuvre par une autorité judiciaire, peuvent être regardés comme des dispositifs de mise en conformité adéquats, ce qui suppose de déterminer si une autorité juridictionnelle peut être regardée comme un pouvoir à un niveau central ou décentralisé, au sens du point 71 des motifs de la directive, et si les conditions d'octroi des mesures judiciaires de la nature de celles qui existent en droit français peuvent permettre de les assimiler à des dispositifs de mise en conformité au sens de la directive.
Ces questions sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat et présentent une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne…
Conseil d'État N° 419146 - 2019-06-14
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