Le recensement des bonnes pratiques effectué dans un cadre essentiellement territorial permet de tracer une typologie des initiatives et de privilégier celles qui peuvent nouer des liens entre les élites, plus spontanément portées vers le dialogue interreligieux, et la jeunesse, moins naturellement intéressée par ces échanges.
La mission a identifié ainsi des exemples significatifs - à Strasbourg et Lyon - où le dialogue interreligieux est fortement porté par les collectivités territoriales, et d’autres configurations, comme en région parisienne, en Moselle ou à Marseille, où l’État supplée déjà clairement, avec pragmatisme, à l’absence ou à l’insuffisance temporaires de la coordination par des autorités publiques décentralisées.
Dans ces territoires où le dialogue interreligieux est en quelque sorte institutionnalisé, l’État peut aisément venir en appui aux initiatives nombreuses et variées qui sont portées par les collectivités territoriales, par les autorités religieuses et par le mouvement associatif, et qui trouvent sans difficulté un portage administratif et financier naturels dans le dispositif de la Ville et des politiques d’insertion. La mission a recensé ainsi des initiatives remarquables, souvent modestes et symboliques, mais qui, bien mises en harmonie, sont susceptibles de déboucher sur des résultats significatifs.
Le culte musulman reste toutefois un peu en retrait, en raison de son manque bien identifié d’organisation, de ses divergences internes, et des problèmes récurrents du financement des mosquées, de la formation des imams ou de la création de facultés de théologie musulmane.
De l’avis presque unanime des nombreuses personnalités rencontrées, il n’est plus possible de s’enfermer dans une interprétation trop rigide de la laïcité, qui serait le fruit d’une approche trop strictement marquée par le contexte historique.
Même si le champ couvert par la mission est celui des religions dans leur globalité, la singularité de la situation de l’islam doit, à l’évidence, être prise en compte : tous ses interlocuteurs l’ont reconnu ou laissé entendre, en particulier les personnalités musulmanes qui attendent de l'État un appui à leur volonté de se structurer et de peser dans le débat public en leur conférant une légitimité institutionnelle encore inaboutie.
Il ne s’agit pas d’entrer dans des considérations théologiques, sociologiques ou politiques sur les spécificités de la religion musulmane et sur sa capacité - jugée plus ou moins grande selon les analystes - à s’intégrer dans un espace public où le civil et le religieux sont et doivent rester distincts.
En revanche, la mission considère que les incertitudes actuelles qui pèsent sur les rapports entre les communautés dites musulmanes et la puissance publique suscitent, bien au-delà des attentats les plus tragiques provoqués par le fanatisme religieux, des difficultés concrètes dans la vie sociale de notre pays et dans la cohabitation de populations aux origines culturelles différentes.
Le dialogue interreligieux est, plus encore dans ce domaine, un ressort prometteur, et les exemples les plus riches qui ont été identifiés peuvent être reproduits sur l’ensemble du territoire avec souplesse, sous l’impulsion des préfets, en bonne intelligence avec les autorités religieuses, les collectivités territoriales, le milieu associatif, sans préjudice d’évolutions plus globales et plus politiques.
Dans tous les cas, une formation des agents publics - de tout niveau - en particulier dans les services du ministère de l’Intérieur, dédiée au fait religieux et aux implications historiques, juridiques et sociales du principe de laïcité, doit être organisée.
Documentation Française - 2015-11-20