Les scénarios du réchauffement climatique convergent vers une prévision d’accroissement du besoin en eau des cultures irriguées et, corrélativement, du déséquilibre entre la demande estivale et les ressources disponibles.
Que prévoir ? Un accroissement proportionnel de l’irrigation à l’instar de l’agriculture pratiquée dans le Sud de l’Europe ? Ou un repli vers les cultures sèches entraînant l’abandon d’une partie des superficies irriguées, comme la France l’a vécu au cours de la dernière décennie (-12 % depuis 2000) ? Ce repli confirme la pertinence d’un premier levier d’intervention, à savoir la réduction de la demande en eau des cultures.
De nouvelles filières ou variétés, sans irrigation, peuvent être développées dans l’assolement : la recherche agronomique et le développement sont sollicités à cet effet. De surcroît, en grandes cultures, la rentabilité de l’irrigation est fortement liée aux cours mondiaux des principales productions et aux mécanismes d’aides de la PAC, ce qui peut entraîner des fluctuations totalement indépendantes des conditions climatiques.
Dans certaines régions, l’agriculture ne se maintient que grâce à l’irrigation : la question des économies d’eau est aussi pertinente (goutte à goutte, agriculture de précision) mais il faut, dans un premier temps, régulariser sa disponibilité estivale. La sécurisation des agricultures en place et la sécurisation de filières alimentaires stratégiques (semences, fruits, légumes) sont aussi pour l’État des objectifs majeurs.
Le renforcement des disponibilités estivales est une nécessité qui passe par la constitution de ressources de substitution. Un accroissement des disponibilités naturelles au moyen de retenues de stockage hivernal est bénéfique tant sur le plan environnemental que socio-économique. On préserve à la fois les ressources d’eau et on soulage les irrigants de la contrainte hydrique.
Les coûts d’investissement des retenues de stockage peuvent représenter plus de 80 % du prix de revient de l’eau d’irrigation. Leur mise en place n’est possible que si elles sont économiquement acceptables, ce qui implique une part de financement public, voisine de 75 % (FEADER et agences de l’eau). Ce financement public est d’autant plus justifié que les retenues peuvent contribuer à garantir et augmenter les débits d’étiage qui constituent un objectif d’intérêt général.
Le besoin en retenues d’eau (principalement dans le grand Sud-Ouest) équivaudrait à 300 millions de m3 pour résorber les zones chroniquement déficitaires. Un objectif accessible en dix ans, mais à la condition que le débat sociétal soit convenablement apaisé.
Ces financements publics seraient déterminés par l’émergence d’un projet territorial de maîtrise collective de la ressource. C’est la ligne stratégique que le ministère a récemment proposée en Conseil des ministres.
Il reste encore aux différentes institutions concernées (département, région, État et agences de l’eau, Union européenne) de bien coordonner leurs interventions : les collectivités territoriales comme porteurs de l’ingénierie de projet, l’État dans le rôle de garant de l’intérêt général. Elles devront aussi garantir une continuité d’action, sans quoi l’immobilisme pourrait bien l’emporter et les affrontements se renouveler comme à Sivens.
CGAAER - 2015-11-25
http://agriculture.gouv.fr/lirrigation-en-france-quelle-politique-pour-letat