
Instauré par la loi du 5 mars 2007, le droit au logement opposable (Dalo) constitue pour les requérants un recours ultime face à des difficultés graves de logement. Il vise à confier à l’État l’obligation de loger ou de reloger les ménages qui y sont reconnus éligibles, de façon prioritaire, urgente et avec une offre « adaptée » au sens de la loi (répondant aux besoins et caractéristiques des ménages). Si l’État est seul débiteur de ce droit, les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et Action Logement ont l’obligation de contribuer à l’effort de relogement. Lorsque l’État est défaillant, sa responsabilité peut être engagée, y compris au plan indemnitaire.
La Cour des comptes publie ce jour un nouveau bilan de la mise en œuvre de ce dispositif, qui révèle l’accentuation des difficultés qu’elle avait déjà révélées en 2016, en particulier dans la région Île-de-France : pour de trop nombreux ménages, le Dalo n’est pas encore un droit effectif, et le risque qu’il devienne un droit source de désillusions augmente. Pour y remédier, la Cour appelle à une évolution du cadre juridique et des modalités de sa mise en œuvre opérationnelle, et formule treize recommandations destinées à restaurer son effectivité.
Une effectivité partielle, avec une dégradation continue en Île-de-France
Unique en Europe et dans le monde, le Dalo enregistre un nombre croissant de sollicitations depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Jusqu’à fin 2020, près de 1,3 million de demandes de reconnaissance d’éligibilité ont été déposées auprès des commissions départementales de médiation (Comed) chargées de les instruire - dont plus de 60 % ont été enregistrées en Île-de-France. Si le pourcentage de décisions favorables rendues par les commissions de médiation était de 34,5 % en 2019 contre 25 % en 2008, le fait d’être reconnu éligible au Dalo ne représente pour un ménage qu’une première étape. L’effectivité de ce droit acquis réside dans la capacité de l’État, seul débiteur, à proposer rapidement une offre de logement ou de relogement adaptée aux besoins de ces ménages. Or, le bilan actualisé depuis la dernière enquête de la Cour n’est toujours pas à la hauteur de cet engagement : entre 2008 et 2020, plus de 330 000 ménages ont été reconnus éligibles à un relogement urgent et prioritaire au titre du Dalo, dont 62,8 % ont bénéficié d’une offre adaptée de relogement proposée par l’État. Toutefois, 78 016 d’entre eux (soit 23,4 % du total) n’avaient pas encore été relogés fin février 2021. La Cour observe que la situation s’est dégradée depuis 2016, et en particulier en Île-de-France, où près d’un tiers des 65 000 ménages reconnus éligibles depuis 2008 est toujours en attente d’une offre de relogement par l’État.
À l’échelle nationale, moins de la moitié des ménages reconnus éligibles a été relogée dans les délais fixés par la loi.
Une mise en cause croissante de la responsabilité de l’État
Deux voies de recours ont été prévues par le législateur en cas de carence de l’État : le recours en injonction pour carence avec, le cas échéant, le prononcé d’une astreinte, et le recours indemnitaire. Elles sont mobilisées de façon croissante par les ménages reconnus éligibles au Dalo et en attente d’une offre adaptée. Entre 2015 et 2020, l’État a dû payer près de 130 millions d’euros au titre des astreintes. Et l’augmentation du nombre des ménages toujours en attente d’une offre devrait avoir un impact à la hausse sur ces montants. Pour les juridictions administratives, l’activité contentieuse représente une charge lourde, particulièrement en zone tendue où l’intervention du juge ne permet pas d’agir sur le principal levier : l’offre de logements.
Un enlisement à bas bruit résultant d’une conjonction de facteurs
Les difficultés grandissantes pour accéder au logement social, souvent invoquées par les acteurs locaux, ne sauraient constituer le seul frein à la mise en œuvre du Dalo. D’autres facteurs interviennent : ils ont d’abord pour origine l’augmentation du nombre des objectifs assignés aux acteurs locaux en matière d’attributions de logements sociaux. Depuis l’instauration du Dalo, plusieurs textes législatifs ont créé de nouvelles catégories de publics prioritaires. Ces injonctions multiples ont pour conséquence de faire perdre au dispositif son caractère de priorité supérieure. Selon la Cour, l’effort toujours insuffisant des collectivités territoriales et des bailleurs pour participer à l’effort de relogement aux côtés de État en constitue une illustration.
COUR DES COMPTES >> Rapport complet
Synthèse
La Cour des comptes publie ce jour un nouveau bilan de la mise en œuvre de ce dispositif, qui révèle l’accentuation des difficultés qu’elle avait déjà révélées en 2016, en particulier dans la région Île-de-France : pour de trop nombreux ménages, le Dalo n’est pas encore un droit effectif, et le risque qu’il devienne un droit source de désillusions augmente. Pour y remédier, la Cour appelle à une évolution du cadre juridique et des modalités de sa mise en œuvre opérationnelle, et formule treize recommandations destinées à restaurer son effectivité.
Une effectivité partielle, avec une dégradation continue en Île-de-France
Unique en Europe et dans le monde, le Dalo enregistre un nombre croissant de sollicitations depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Jusqu’à fin 2020, près de 1,3 million de demandes de reconnaissance d’éligibilité ont été déposées auprès des commissions départementales de médiation (Comed) chargées de les instruire - dont plus de 60 % ont été enregistrées en Île-de-France. Si le pourcentage de décisions favorables rendues par les commissions de médiation était de 34,5 % en 2019 contre 25 % en 2008, le fait d’être reconnu éligible au Dalo ne représente pour un ménage qu’une première étape. L’effectivité de ce droit acquis réside dans la capacité de l’État, seul débiteur, à proposer rapidement une offre de logement ou de relogement adaptée aux besoins de ces ménages. Or, le bilan actualisé depuis la dernière enquête de la Cour n’est toujours pas à la hauteur de cet engagement : entre 2008 et 2020, plus de 330 000 ménages ont été reconnus éligibles à un relogement urgent et prioritaire au titre du Dalo, dont 62,8 % ont bénéficié d’une offre adaptée de relogement proposée par l’État. Toutefois, 78 016 d’entre eux (soit 23,4 % du total) n’avaient pas encore été relogés fin février 2021. La Cour observe que la situation s’est dégradée depuis 2016, et en particulier en Île-de-France, où près d’un tiers des 65 000 ménages reconnus éligibles depuis 2008 est toujours en attente d’une offre de relogement par l’État.
À l’échelle nationale, moins de la moitié des ménages reconnus éligibles a été relogée dans les délais fixés par la loi.
Une mise en cause croissante de la responsabilité de l’État
Deux voies de recours ont été prévues par le législateur en cas de carence de l’État : le recours en injonction pour carence avec, le cas échéant, le prononcé d’une astreinte, et le recours indemnitaire. Elles sont mobilisées de façon croissante par les ménages reconnus éligibles au Dalo et en attente d’une offre adaptée. Entre 2015 et 2020, l’État a dû payer près de 130 millions d’euros au titre des astreintes. Et l’augmentation du nombre des ménages toujours en attente d’une offre devrait avoir un impact à la hausse sur ces montants. Pour les juridictions administratives, l’activité contentieuse représente une charge lourde, particulièrement en zone tendue où l’intervention du juge ne permet pas d’agir sur le principal levier : l’offre de logements.
Un enlisement à bas bruit résultant d’une conjonction de facteurs
Les difficultés grandissantes pour accéder au logement social, souvent invoquées par les acteurs locaux, ne sauraient constituer le seul frein à la mise en œuvre du Dalo. D’autres facteurs interviennent : ils ont d’abord pour origine l’augmentation du nombre des objectifs assignés aux acteurs locaux en matière d’attributions de logements sociaux. Depuis l’instauration du Dalo, plusieurs textes législatifs ont créé de nouvelles catégories de publics prioritaires. Ces injonctions multiples ont pour conséquence de faire perdre au dispositif son caractère de priorité supérieure. Selon la Cour, l’effort toujours insuffisant des collectivités territoriales et des bailleurs pour participer à l’effort de relogement aux côtés de État en constitue une illustration.
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Synthèse
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