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Doc - Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan

Article ID.CiTé du 01/02/2017



En 2013, l’État s’est engagé à couvrir en dix ans l’ensemble du territoire dans le cadre du "Plan France très haut débit" pour atteindre en 2022 100 % des 35 millions de logements et locaux à usage professionnel, dont 80 % en fibre optique jusqu’à l’abonné. Ce déploiement repose à la fois sur des opérateurs privés et sur l’initiative et le financement des collectivités territoriales…

Un environnement technologique et juridique complexe
La France a choisi de privilégier la construction de réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné en raison de leurs performances. D’autres solutions existent qui permettraient d’apporter du haut voire du très haut débit à des conditions de qualité satisfaisantes.
À cette composante technologique s’ajoute la dimension juridique du cadre communautaire : l’intervention publique ne peut être que subsidiaire à l’intervention privée, ce qui a débouché en France sur une organisation de marché complexe…

Des résultats retardés, des engagements lourds à moyen terme
En juin 2015, seuls 45 % des foyers étaient couverts en très haut débit fixe. L’objectif intermédiaire de couverture de 50 % du territoire en très haut débit dès 2017 sera atteint. En revanche, l’atteinte de l’objectif de couverture à 100 % des logements en très haut débit fixe à horizon 2022 et à 80 % en fibre optique paraît compromise.
En outre, les 20 Md€ d’investissements publics et privés annoncés seront de facto largement dépassés et le programme d’équipement se déroulera sur une période bien plus longue. L’absence de cofinancement privé pour la construction des réseaux d’initiative publique (seulement 1 Md€ des 12 Md€ d’investissements engagés, pour 3 Md€ attendus) nécessite un concours des collectivités territoriales d’environ 6,5 Md€ jusqu’en 2022, très supérieur aux prévisions. Une impasse de financement de 12 Md€ des réseaux d’initiative publique est à prévoir au-delà de cette échéance.

Une rationalisation nécessaire
Les juridictions financières constatent que le pilotage du programme au niveau national présente des déficiences et qu’il existe des lacunes manifestes dans l’organisation de la construction et de l’exploitation des infrastructures de réseaux. Les procédures d’attribution des subventions de l’État sont lourdes et complexes, alors même que les équipes des administrations centrales sont éparpillées et faiblement dotées.
La concertation entre les acteurs et l’interopérabilité des systèmes d’information doivent être améliorées, et les acteurs publics locaux doivent donner une dimension régionale à leurs projets. Un meilleur pilotage et une meilleure maîtrise budgétaire sont également nécessaires. Enfin, l’activité et les engagements des opérateurs en zones d’initiative privée doivent impérativement être mieux contrôlés.

Recommandations

1. (État) : compléter et actualiser, au vu des résultats atteints, les objectifs du Plan France très haut débit en augmentant l’objectif de recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné, en intégrant un objectif de pénétration du numérique dans les entreprises et un objectif de haut débit minimal pour tous, et en les alignant sur le terme des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (2030) ; 
2. (Arcep) : accroître la concurrence sur le marché à destination des entreprises en réexaminant l’obligation d’accès activés sur fibre optique dans le cadre des prochaines analyses de marchés ; 
3. (État, collectivités territoriales) : renforcer le suivi de la performance des réseaux d’initiative publique en calculant leur taux de retour sur investissement ; 
4. (État, collectivités territoriales) : renforcer le pilotage du programme en mettant en œuvre un parangonnage contractuel, juridique et financier ;
5. (État, collectivités territoriales) : regrouper et mutualiser au niveau régional les fonctions à forte valeur ajoutée voire l’ensemble des fonctions des réseaux d’initiative publique ;
6. (Arcep, État, collectivités territoriales) : traiter explicitement l’enjeu de sécurité et de résilience des réseaux ; 
7. (Arcep, État) : organiser la transparence des engagements des opérateurs en zone d’initiative privée et la sanction de leur non-respect ; 
8. (État) : prévoir une audition par les membres du "comité national de concertation France très haut débit" des opérateurs privés ; 
9. (Arcep, État) : rendre publique la liste des opérateurs pilotes du déploiement pour les 42 communes reclassées en zone moins dense, ainsi que pour les poches de basse densité ; 
10. (État) : mettre en place un suivi agrégé au niveau national des investissements des collectivités territoriales et de leurs groupements ; 
11. (État) : homogénéiser le traitement comptable des "droits irrévocables d’usage", DIU, et, le cas échéant, définir les règles d’amortissement.

Cour des Comptes - 2017-01-31

Synthèses - Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan 
Cour des Comptes - 2017-01-31