Environnement - Risques - Catastrophes naturelles

Juris - Autorisation environnementale : mise en œuvre du régime de dérogation prévu à l'article L. 411-2 du code de l'environnement

Article ID.CiTé du 04/01/2023



Des prescriptions complémentaires en vue de limiter les impacts sur la faune protégée ne pouvant en principe suppléer l’absence de dérogation lorsqu’elle est nécessaire, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement est opérant (solution implicite).

La destruction ou la perturbation d'animaux appartenant à des espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites.

Une activité fonctionnant sous couvert d'un acte aujourd'hui définitif, qu'il s'agisse de l'autorisation environnementale créée par l'ordonnance du 26 janvier 2017 ou d'une autorisation considérée comme telle en application de cette même ordonnance, qui est à l'origine de telles atteintes et pour lesquelles aucune dérogation n'a jamais été accordée en application du 4° du I de 
l'article L. 411-2 du code de l'environnement , ne peut normalement se poursuivre sans la délivrance de cette dérogation.

Celle-ci est subordonnée à la réunion de trois conditions distinctes et cumulatives tenant,
- d'abord, à l'absence de solution alternative satisfaisante,
- ensuite, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle
- et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

Dans une telle situation, l'autorité administrative doit, si besoin, exercer les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 171-1 du code de l'environnement en mettant l'exploitant en demeure de présenter, à titre de régularisation, une demande de dérogation dans un délai qu'elle détermine et, le cas échéant, en édictant des mesures conservatoires pouvant aller jusqu'à la suspension de l'activité en cause dans l'attente de statuer sur une demande de régularisation.

Lorsqu'une dérogation à l'interdiction posée par l'article L. 411-1 ci-dessus est nécessaire, des prescriptions complémentaires imposées en vue d'assurer la préservation d'animaux d'espèces protégées ne sauraient en principe suppléer l'absence d'une telle dérogation.

Toutefois, l'exploitant ne doit obtenir une dérogation " espèces protégées " que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé.
A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

Il apparaît, en l'espèce, que l'autorisation initiale du 7 juin 2013, accordée au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et dont le caractère définitif n'est pas remis en cause, qui s'analyse aujourd'hui comme une autorisation environnementale, n'a jamais donné lieu à la délivrance d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du même code. Dans le dossier initial de demande d'autorisation, des sensibilités fortes à modérées avaient été relevées pour certaines espèces d'oiseaux et de chauve-souris protégées présentes dans le secteur d'implantation du parc ou le fréquentant plus particulièrement à certaines périodes de l'année, pouvant varier selon les éoliennes concernées, avec mise en évidence de risques élevés de collision pour quelques-unes d'entre elles, notamment en périodes de migration.

Après l'entrée en service du parc éolien en 2019, des prospections effectuées au pied des aérogénérateurs ont montré des cas de mortalité affectant spécialement les Milans royaux ainsi que des chiroptères tels que la Pipistrelle commune ou la Pipistrelle de Kuhl, pour lesquels les risques de collision ont été jugés forts ou importants. L'arrêté de prescriptions complémentaires du 18 août 2020, mentionné plus haut, a cependant donné lieu à la mise en place d'un dispositif de bridage dynamique ProBird pour assurer l'effarouchement sonore des oiseaux et dévier leur trajectoire de vol en dehors de la zone de survol des pales et, le cas échéant, d'une régulation des machines, avec arrêt en cas d'approche d'un rapace.

S'agissant des chiroptères, l'arrêté ici en litige prévoit des mesures destinées à prévenir leur mortalité, telles que l'arrêt des aérogénérateurs aux périodes d'activité de ces animaux, avec un dispositif d'asservissement couvrant plus de 80 % de leurs populations, destiné à restreindre les impacts, et poursuite du suivi comportemental, notamment par des écoutes en hauteur afin d'adapter au plus juste les conditions de bridage. Il apparaît que les mesures finalement adoptées ou mises en œuvre par l'exploitant, dont l'effectivité n'est pas sérieusement contestée, doivent permettre de réduire notablement, bien que pas complètement, le danger de collision et de destruction d'oiseaux ou de mammifères protégés présents dans le secteur d'implantation du site, surtout aux périodes de l'année les plus sensibles pour eux (migration/reproduction).

Le risque que le projet comporte pour ces animaux protégés ne pouvant désormais plus être regardé comme suffisamment caractérisé, aucune violation du régime de protection imposé par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, appréciée à la date du présent arrêt, ne saurait ainsi être retenue.


CAA de LYON N° 21LY00407 - 2022-12-15