Domaines public et privé - Forêts

Juris - Chasse à courre - La préfète pouvait interdire temporairement l’accès du public à certaines zones de la forêt domaniale

Article ID.CiTé du 16/01/2024



Pour interdire temporairement l'accès du public à certaines zones de la forêt de Compiègne pendant la saison de chasse 2020-2021, l'arrêté, après avoir rappelé les perturbations de chasses à courre et les affrontements entre les militants anti-chasse et les veneurs qui se sont produits, notamment le 9 décembre 2017 et les 9 et 12 janvier 2019, se fonde sur la persistance de " la détermination des militants anti-chasse et du climat délétère qui règne entre les deux parties " et " les risques pour la sécurité du public (...) pendant les chasses à courre, en particulier dans les parties identifiées comme étant les plus probables pour l'hallali ". Si M. B... soutient, d'une part, que les manifestations du collectif " Abolissons la vénerie aujourd'hui " sont pacifistes et n'ont pour d'autre objet que de documenter la chasse à courre, d'autre part, qu'aucune contravention n'a été dressée pour les opérations de perturbation qui leur sont reprochées en 2017 et 2019, la matérialité des faits allégués, non sérieusement contestée par l'appelant, est établie par les articles de presse et les comptes-rendus d'association auxquels la préfète renvoie dans son mémoire en défense. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

En deuxième lieu, aux termes de l'article L.121-3 du code forestier : " Les bois et forêts relevant du régime forestier satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général soit par l'accomplissement des obligations particulières prévues par ce régime, soit par une promotion d'activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique ". Les mesures de police administrative et notamment les interdictions d'accès des bois et forêts au public ne doivent pas présenter un caractère général et absolu et porter une atteinte manifestement disproportionnée à des droits et libertés, notamment la liberté d'aller et venir et le principe d'égalité. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative compétente règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

En l'espèce, d'une part, l'arrêté attaqué circonscrit l'interdiction d'accès du public à la forêt de Compiègne à six zones précisément identifiées et délimitées, dont sont exclues les voiries forestières, les sentiers de randonnée balisés et les pistes cyclables, qui demeurent accessibles. En outre, cette interdiction ne s'applique pas aux " équipages de chasse " (article 1er), aux " veneurs qui servent le cerf ", aux " personnels de l'office national des forêts " (ONF), ni aux " personnels (...) intervenant sur des chantiers proches du lieu de l'hallali dans le cadre de contrats passés avec l'ONF " (article 2). Enfin, cette mesure est limitée à la saison de chasse 2020-2021, du 15 septembre 2020 au 31 mars 2021, et à deux journées par semaine, les mercredis et samedis. Dans ces conditions, la mesure d'interdiction prise par la préfète de l'Oise n'a pas le caractère d'une interdiction générale et absolue. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 3, cette mesure a été prise en réaction à des incidents constatés notamment en 2017 et 2019, afin d'assurer la tranquillité et la sécurité du public pendant les opérations de chasse à courre, et a montré, par le passé, son efficacité en réduisant sensiblement les troubles à l'ordre public.

Si M. B... fait état de ce que deux brigades de gendarmerie sont mobilisées pour encadrer ces chasses, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet encadrement serait suffisant et que des mesures moins contraignantes que l'interdiction relative d'accès auraient pu être mises en place pour préserver la tranquillité et la sécurité du public. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir du public et au principe d'égalité entre les usagers.

En troisième et dernier lieu, à supposer que M. B... ait entendu invoquer le détournement de pouvoir dont serait entaché l'arrêté qui ne viserait, selon lui, qu'à interdire aux opposants de filmer la mise à mort du cerf et la curée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait fondé sur des considérations étrangères à la préservation de la sécurité du public durant les opérations de chasse à courre. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir doit être écarté.

CAA de DOUAI N° 22DA02442 - 2023-12-07