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Juris - DALO -Rejet de l’évacuation forcée d’appartements, dans l’attente de la réalisation d’un diagnostic social et d’une proposition d’hébergement

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 25/11/2021 )



Juris - DALO -Rejet de l’évacuation forcée d’appartements, dans l’attente de la réalisation d’un diagnostic social et d’une proposition d’hébergement
Aux termes de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale : " En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale, à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. / La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.

Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l'auteur de la demande. / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. "

En l'espèce, par quatre arrêtés du 2 mars 2021 pris sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Pas-de-Calais a mis en demeure, respectivement, Mme B... H... et Mme A... H..., Mme K... J..., Mme I... H... et Mme N... L... de quitter dans un délai de 24 heures les locaux qu'elles occupaient chacune dans la commune de Lens. Par quatre ordonnances du 5 mars 2021 rédigées dans les mêmes termes, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté pour défaut d'urgence les demandes des intéressées tendant, à titre principal, à l'annulation de ces mises en demeure et, à titre subsidiaire, à la suspension de l'évacuation forcée, dans l'attente de la réalisation d'un diagnostic social et d'une proposition d'hébergement.

Vivent dans les quatre locaux qu'il leur ait demandé de quitter, respectivement, Mme B... H..., ses quatre enfants âgés de 6 à 13 ans et sa soeur A... H..., Mme K... J... et ses quatre enfants âgés de 14 à 16 ans, Mme I... H... et ses trois enfants âgés de 7, 10 et 12 ans et, enfin, Mme N... L... et ses deux enfants âgés de 11 et 15 ans. Elles soutiennent sans être utilement contredites sur ce point qu'elles ne disposent en termes de logement d'aucune alternative aux locaux en cause. Elles font valoir que quitter ces locaux leurs ferait courir, ainsi qu'à leurs enfants, un péril immédiat, péril renforcé par la fraîcheur des températures et la situation sanitaire.

Contrairement à ce qu'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Lille, la circonstance, que les intéressées contestent qu'elles se seraient introduites par la force dans les locaux en cause, demeure sans incidence sur l'appréciation de l'urgence. Enfin, si le ministre de l'intérieur souligne que les intéressées n'ont pas sollicité d'hébergement d'urgence et soutient que " les intéressées pourront évidemment être prises en charge dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, si elles le souhaitent, dès leur sortie des logement occupés ", cette dernière affirmation n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier la probabilité de réalisation. Par suite, eu égard au fait que de nombreux enfants mineurs vivent dans ces locaux et bien que le propriétaire, bailleur social, entende commencer immédiatement des travaux de réhabilitation en vue de les louer à des personnes déjà identifiées, la condition d'urgence particulière de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

Les quatre locaux d'habitation dont l'évacuation a été demandée par le préfet du Pas-de-Calais étaient vides de tout occupant avant que les requérantes s'y installent avec leurs enfants. Aucun de ces locaux ne pouvaient donc être qualifié de " domicile d'autrui " au sens des dispositions précitées de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. La seule circonstance que le propriétaire des lieux ait déjà choisi les personnes à qui il entend les louer après réhabilitation n'est pas plus de nature à leur conférer cette même qualité. Les quatre mises en demeure prononcées par le préfet le 2 mars dernier sont par suite privées de base légale. Il en résulte que ces quatre arrêtés, en mettant en demeure l'ensemble des habitants de quitter les lieux, ont porté, en l'état de l'instruction, une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit au respect de leur vie privée et familiale comme à l'intérêt supérieur des enfants.

Conseil d'État N° 450651 - 2021-03-25

 











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