Marchés publics - DSP - Achats

Juris - Exclusion des personnes ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu - Exception

Article ID.CiTé du 05/02/2024



La cause d'exclusion facultative prévue à l'article L. 3123-8 du code de la commande publique (CCP) est constituée lorsque l'autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l'opérateur a effectué des démarches qu'il savait déloyales en vue d'obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation.

Le SEDIF a engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un contrat de concession. Sociétés Suez Eau France et Veolia ont chacune présenté une offre initiale puis une offre « intermédiaire ».

Le SEDIF a ensuite informé Suez Eau France qu'à la suite d'un dysfonctionnement informatique, Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l'attribution de la concession étaient suspendues.

Le SEDIF a pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d'attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires.

Suez Eau France a demandé au juge du référé précontractuel d'annuler cette procédure au stade de cette décision du SEDIF et de lui enjoindre de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations.
Le Juge des référés a relevé, pour juger que Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, que des fichiers concernant l'offre de Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de Veolia en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur et que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d'informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l'en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu'elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure.

Le juge de référés ne commet ni erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit en en déduisant que le SEDIF n'était pas tenu d'exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l'article L. 3123-8 du CCP.


Conseil d'État N° 489820 - 2024-02-02


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Analyse « très détaillée » du cabinet Landot Avocats
En cours de passation d’une DSP, peut-on colmater une fuite informatique… en estimant comme définitives des offres intermédiaires (déposées avant la fuite) ?
 Réponse oui… parfois.
C’est ce que vient de juger, ce 2 février 2024, le Conseil d’Etat, confirmant la position du le juge des référés du TA de Paris, dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure.
Mais alors s’imposera toujours une délicate analyse au cas par cas… et cette solution ne pourra être utilisée, en tout état de cause, que si les offres intermédiaires en cause semblent (boule de cristal à l’appui) proches, très proches, de ce qui allait être leur version finalisée.
Au sommaire
I. Bourde informatique : l’espion malgré lui
II. Solution pratique : l’ « interruption - attribution »
III. Un juge usuellement ouvert aux rééquilibrages opérés au nom de l’égalité de traitement et du principe d’impartialité
IV. Mais est-ce pour autant qu’on pouvait changer l’eau de l’offre intermédiaire en vin de l’offre finale ?
V. Un principe, déjà posé par le Conseil d’Etat, de respect du règlement de consultation interdisant en général de transformer l’offre intermédiaire en offre finale…
VI. Sauf justement, ainsi que l’avait déjà jugé le Conseil d’Etat, quand on semble très proche des offres finales (ce qui tout de même s’apprécie un peu à l’aveuglette…) et que prendre les offres intermédiaires pour des offres finales ne change pas grand chose au regard de l’intérêt qu’il y a à sauver la procédure de la censure.
VII. Ce qui a été confirmé par le Conseil d’Etat ce 2 février 2024. Avec en jeu la clarification des règles applicables…. et, accessoirement, 4,3 milliards d’euros.
Landot Avocat - 
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