Urbanisme et aménagement

Juris - Institution d'une servitude d'urbanisme entraînant pour un propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

Article ID.CiTé du 06/07/2016


Une société a acquis en 1987 et 1989 des terrains d'assiette, en vue d'une opération d'aménagement importante, après que le plan d'occupation des sols d'une commune eut été modifié, conformément aux engagements pris par cette commune, afin de le rendre compatible avec ce projet d'aménagement.


Cette société a engagé d'importants travaux en vue de la réalisation de ce projet qui bénéficiait, à l'origine, du soutien de la commune. Le projet n'a pu aboutir en raison du défaut de raccordement des terrains d'assiette au réseau d'assainissement, lequel n'a pu être opéré faute que la commune ait procédé à la réalisation de la canalisation prévue à cet effet.

S'il était loisible à la commune de décider, en 2005, d'abroger le plan d'occupation des sols tel que révisé en 1987 et d'approuver, conjointement avec le préfet, une carte communale procédant au classement de terrains en zone naturelle non constructible pour le motif d'intérêt général tiré de la préservation du caractère rural de cette zone, l'approbation de cette carte a eu, en l'espèce, pour effet, en procédant au classement en zone inconstructible de la totalité des terrains dont la société requérante est propriétaire, d'amoindrir la valeur vénale de sa propriété, laquelle occupe une partie substantielle du territoire de la commune, et de compromettre définitivement ses projets d'aménagement. 

Elle doit, ainsi, être regardée comme ayant fait peser sur cette société, qui a été seule affectée par ce classement, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi. 
La carte communale étant, en vertu de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, approuvée conjointement par le conseil municipal et par le préfet, les préjudices en résultant sont de nature à engager la responsabilité conjointe de la commune et de l'Etat à son égard. Il y a lieu de mettre à la charge de chacun d'entre eux la moitié des sommes à lui verser à ce titre. 

Toutefois, par son comportement, et notamment son inertie durant les années 1997 à 2002, au cours desquelles elle n'a pas entrepris de démarches auprès de la commune pour tenter de résoudre les difficultés liées à l'impossibilité de raccorder ses terrains au réseau d'assainissement, la société requérante a elle-même contribué à la réalisation du préjudice dont elle demande réparation. Il sera fait une juste appréciation des faits de l'espèce en laissant à sa charge la moitié du préjudice indemnisable.

Conseil d'État N° 375020 - 2016-06-29