Le juge des référés du Conseil d’État a, tout d’abord, examiné le bien fondé des appels de l’État et de la commune.
Après avoir relevé que l’urgence était bien caractérisée, il a relevé que les autorités publiques font actuellement et continueront à faire dans les prochains mois de nombreux efforts pour l’hébergement ainsi que pour la prise en charge sociale, médicale et psychologique des personnes les plus vulnérables vivant sur le site. Il a estimé, dans ces conditions, que le juge des référés du tribunal administratif avait eu raison de juger que des mesures de sauvegarde n’étaient pas nécessaires sur ce point.
En revanche, il a relevé que les mineurs isolés en situation de détresse n’étaient toujours pas identifiés ni, en conséquence, pris en charge par les autorités publiques. Il a ainsi confirmé l’injonction faite au préfet du Pas-de-Calais par le juge des référés du tribunal administratif de procéder, à très bref délai, au recensement de ces mineurs et de se rapprocher du département du Pas-de-Calais en vue de leur placement.
Le juge des référés du Conseil d’État a ensuite indiqué, car ce point était contesté par le ministre, qu’en l’absence de texte particulier, il appartient en tout état de cause aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller, notamment, à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti. Lorsque la carence des autorités publiques expose des personnes à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Il a alors estimé, tout comme le juge des référés de première instance, qu’aucune carence caractérisée ne pouvait être reprochée aux autorités publiques en ce qui concerne la nutrition des personnes présentes sur le site : le centre "Jules Ferry" distribue des repas et de nombreux migrants pourvoient à leurs besoins alimentaires soit grâce aux associations présentes sur le site, soit par leurs propres moyens.
Il a considéré, en revanche :
- que l’accès à l’eau potable et aux sanitaires est manifestement insuffisant ;
- qu’aucun ramassage des ordures n’est réalisé à l’intérieur du site, ce qui expose les migrants vivant sur le site de La Lande à des risques élevés d’insalubrité ;
- que les véhicules d’urgence, d’incendie et de secours ne peuvent pas circuler à l’intérieur du site en l’absence de l’aménagement de toute voirie.
Le juge des référés du Conseil d’État a estimé que ces conditions de vie étaient bien de nature à exposer les migrants vivant sur le site à des traitements inhumains ou dégradants et il a approuvé le juge des référés du tribunal administratif d’avoir ordonné à l’État et à la commune de Calais de commencer à mettre en place dans les huit jours des points d’eau, des toilettes et des dispositifs de collecte des ordures supplémentaires, de procéder à un nettoyage du site, et de créer des accès pour les services d’urgence.
Il a ainsi rejeté les appels du ministre et de la commune de Calais.
Le juge des référés du Conseil d’État a ensuite examiné les conclusions rejetées par le juge des référés du tribunal administratif et reprises en appel par Médecins du monde et le Secours Catholique.
Il a, tout d’abord, constaté que plusieurs mesures demandées par les requérants ne sont pas de celles que le juge du "référé-liberté" a le pouvoir d’ordonner, compte tenu de sa mission, qui est de se prononcer dans un délai très bref.
Il a, ensuite, estimé qu’aucune carence caractérisée ne pouvait être reprochée à l’État en matière d’asile dans la mesure où il était déjà suffisamment fait pour la prise en charge des migrants présents sur le site au titre de l’asile (information, accompagnement des demandeurs, places en centre d’accueil).
Enfin, il a relevé, ce qui n’était plus guère contesté, que les mesures nécessaires pour assurer la sécurité sur le site avaient bien été prises.
Il a ainsi confirmé en tous points le rejet qui avait été prononcé par le juge des référés du tribunal administratif de Lille.
Conseil d'Etat Nos 394540, 394568 - 2015-11-23