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Juris - La liberté d’expression autorise - sous certaines conditions - l’opposition à laisser clairement entendre qu’un élu de la majorité a cherché à tirer personnellement profit d’une décision

Article ID.CiTé du 22/05/2023



Le 24 février 2020, le journal télévisé de France 3 a diffusé un reportage réalisé à l'occasion des élections municipales de la commune de (Localité 1), au sujet d'un projet de lotissement ayant donné lieu à la déclaration suivante de M. (V) (C), membre de la liste d'opposition au maire et engagé dans l'association « Non au PLU » : « il y a la propriété d'un élu de la municipalité qui est en fait en quasi fin de mandat a dû penser à convaincre ses collègues de l'intérêt d'urbaniser pour en tirer profit ». Ce propos a fait suite à une controverse évoquée dans la presse locale les 13 et 14 janvier précédents, faisant état d'une éventuelle prise illégale d'intérêts résultant de ce que des terrains visés par le lotissement étaient détenus, en partie, par un adjoint au maire chargé de l'urbanisme.
Le 2 juin 2020, M. (C) a été cité par M. (N) (H), adjoint à l'urbanisme de la commune, du chef de diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, devant le tribunal correctionnel qui a annulé la citation pour violation de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

(…)
Réponse de la Cour
Vu l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme :
La liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte.
Après avoir relevé, à juste titre, le caractère attentatoire à l'honneur et à la considération des propos tenus par M. (C) vis-à-vis de M. (H), l'arrêt, pour refuser au premier le bénéfice de la bonne foi, fait valoir que la déclaration de celui-ci constitue une attaque personnelle, sans mesure ni prudence, qu'elle ne poursuit pas un but légitime compte tenu de son caractère excessif et qu'elle ne repose sur aucune base factuelle dès lors que M. (H) n'a pas participé aux votes du projet débattu.

En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés.
En effet, le propos incriminé repose sur une base factuelle suffisante dès lors que M. (H), adjoint au maire de la commune de (Localité 1), en charge de l'urbanisme, est effectivement propriétaire d'une partie des terrains concernés par le projet de lotissement. Il était donc légitime de s'interroger sur son implication dans ledit projet.
Par ailleurs, le propos de M. (C) n'a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression d'un opposant politique, dans le contexte d'une campagne électorale marquée par une polémique concernant ce projet de lotissement.


Cour de cassation N° 22-82.722 - 2023-01-24