Sécurité civile - Secours

Juris - Lutte contre un incendie : Si le SDIS voit sa responsabilité engagée à raison des manquements qui lui sont imputables, la part de responsabilité incombant à la commune est fixée à 70 % du montant de l’indemnité

Article ID.CiTé du 15/09/2023



Contrairement à ce que soutient le service départemental d'incendie et de secours, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que sa responsabilité soit engagée à raison des manquements qui lui sont imputables à l'occasion d'une opération de lutte contre l'incendie. Il résulte, en effet, desdites dispositions que les services départementaux d'incendie et de secours, établissements publics départementaux, sont responsables des conséquences dommageables des fautes commises dans le fonctionnement du service ou dans la gestion des moyens humains ou matériels mis en œuvre pour lutter contre l'incendie, alors même que les autorités de police communales peuvent avoir recours, pour exercer leur compétence de police générale, à des moyens et des personnels relevant de ces établissements publics et que la responsabilité des communes demeure susceptible d'être engagée, dès lors que les dommages en cause trouvent, en tout ou partie, leur origine dans une faute commise par les autorités de police communales dans l'exercice de leurs attributions.

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La victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice

Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice. L'un des coauteurs ne peut alors s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence de fautes commises par l'autre coauteur. Il n'y a, dans cette hypothèse, pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage. Il incombe à la personne publique, si elle l'estime utile, de former une action récursoire à l'encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu'il soit statué sur ce partage de responsabilité. Il appartient en conséquence au juge de déterminer l'indemnité due au requérant, dans la limite des conclusions indemnitaires dont il est saisi, laquelle s'apprécie au regard du montant total de l'indemnisation demandée pour la réparation de l'entier dommage, quelle que soit l'argumentation des parties sur un éventuel partage de responsabilité.

(…)
Les différents manquements, liés à une méconnaissance des ressources en eau utilisables, à un défaut de formation du personnel et à une mauvaise gestion du matériel, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours. Ces fautes, au moment où elles ont été commises, ont causé l'aggravation du sinistre.
Dans ces conditions, la société Groupama Grand Est, subrogée dans les droits des victimes, est fondée à solliciter du service départemental d'incendie et de secours la réparation de l'intégralité du préjudice subi à ce titre.

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La part de responsabilité incombant à la commune, évaluée initialement à 10 % par les premiers juges, est fixée à 70 %.
Les deux poteaux d'incendie, situés respectivement à cent et à trois cents mètres des lieux du sinistre, n'ont pu être utilisés par les sapeurs-pompiers en raison d'une absence ou d'une insuffisance de pression et de débit. Il est constant que la commune, qui admet avoir eu connaissance de ces anomalies, n'a ni supprimé les ouvrages défectueux, ni signalé leurs caractéristiques réelles par un marquage approprié.
Si elle fait valoir que le manque de pression et de débit de ces hydrants a été compensé par l'installation, en octobre 1991, d'une prise d'eau sur le château d'eau, qui a reçu l'agrément technique de la direction départementale d'incendie et de secours le 13 septembre 1991, il résulte du rapport d'expertise du 29 décembre 2009 que, le jour de l'incendie, les sapeurs-pompiers ne sont pas parvenus à relier le fourgon pompe-tonne à cette bouche d'incendie et que les deux tentatives de pompage, effectuées lors de la réunion contradictoire du 21 décembre 2009, se sont également soldées par des échecs.
Dans ces conditions, la commune doit être regardée comme ayant manqué à l'obligation qui lui incombe, conformément aux dispositions de l'article L. 2225-1 du code général des collectivités territoriales, de veiller à l'entretien et au contrôle technique des points d'eau utilisés pour la défense extérieure contre l'incendie.

En empêchant les sapeurs-pompiers de circonscrire l'incendie avant qu'il ne s'étende à l'ensemble du bâtiment, ces manquements ont joué un rôle prépondérant dans l'aggravation du sinistre. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à la commune, évaluée initialement à 10 % par les premiers juges, en la fixant à 70 %.


CAA de NANCY N° 20NC03380 - 2023-06-06