Domaines public et privé - Forêts

Juris - Maintien de la dénomination d’une rue en dépit de l’évolution sémantique du terme « négresse » vers une connotation péjorative

Article ID.CiTé du 29/01/2024



Si le conseil municipal est seul compétent pour délibérer sur la dénomination des rues et places publiques de la commune, c’est au maire qu’il revient d’inscrire cette question à l’ordre du jour d’une réunion du conseil municipal.
Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l’abrogation d’une délibération ayant cet objet. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si la décision dont l’abrogation est sollicitée est elle-même légale. Dans l’hypothèse inverse, il est tenu d’inscrire la question à l’ordre du jour du conseil municipal pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de modifier la dénomination illégale

En l’espèce, la dénomination « La Négresse » donnée à un quartier, anciennement dénommé « quartier Harausta », par le conseil municipal, remonte au passage de soldats napoléoniens qui, selon les historiens, ont donné ce surnom aux alentours des années 1812-1813 à une femme qui servait dans une auberge du quartier. Si l’association requérante soutient que cette dénomination est attentatoire à la dignité de la personne humaine en raison de sa connotation raciste et sexiste, et de son incitation à la discrimination ou à la haine à l’égard de personnes en raison de leur appartenance à une race, il n’est pas contesté que le conseil municipal a donné ce nom, dans une perspective mémorielle, dans le but de rendre hommage à la personne considérée et à l’histoire locale qui l’accompagne, et non dans le but de présenter de manière dégradante, humiliante ou avilissante une esclave ou descendante d’esclave à la peau noire ou de stigmatiser les membres d’une communauté pour un motif raciste.

En outre, si cette dénomination désigne un lieu public, il n’est pas établi, ni même allégué que le nom donné à ce quartier et à une rue, que ce soit au moment de son adoption ou postérieurement à cette date, ait été de nature à heurter la sensibilité des habitants de cette commune, alors qu’il a été constamment utilisé depuis plus de 150 ans sans que les différentes assemblées municipales qui se sont succédées ne l’aient remis en cause, ni que des réactions du corps social aient dénoncé dans cette dénomination une conception dégradante de l’être humain.
Dès lors, dans les circonstances de l’espèce, du fait notamment du contexte de son adoption, la dénomination en cause, ne peut être regardée comme portant une atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, en dépit de l’évolution sémantique du terme « négresse » depuis 1861 et de sa connotation péjorative. Par suite, en l’absence d’atteinte à la dignité humaine, les délibérations en cause, rappelées au point 1, ne sont pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation.


TA PAU N° 2002396 - 2023-12-21