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Propreté - Déchets

Juris - Obligation de réception de déchets ultimes produits par les filières industrielles en ISDND - Le Conseil constitutionnel Censure l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 14/02/2022 )



Juris - Obligation de réception de déchets ultimes produits par les filières industrielles en ISDND - Le Conseil constitutionnel Censure l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement
La fédération requérante reproche aux dispositions de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 février 2020 d'obliger les exploitants d'installations de stockage de déchets à réceptionner certains déchets à un prix déterminé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre.

Elle fait également valoir que, en ne précisant pas suffisamment les conditions dans lesquelles les exploitants sont tenus de réceptionner ces déchets, ni les modalités de détermination du prix de leur traitement, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées.
En outre, elle soutient que, dans un contexte de saturation des capacités de stockage des installations existantes, l'obligation de réception mise à la charge des exploitants pourrait les conduire à refuser le traitement d'autres déchets, en méconnaissance des contrats préalablement conclus avec leurs apporteurs. Les dispositions renvoyées seraient ainsi contraires au droit au maintien des conventions légalement conclues.

La fédération requérante dénonce enfin la rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques qui résulterait, en application des dispositions renvoyées, de l'exclusion de toute indemnisation des préjudices subis par les exploitants et les apporteurs de déchets.

Sur le fond :
Les dispositions contestées imposent aux exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et non inertes de réceptionner les déchets ultimes produits par les filières industrielles de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets dès lors qu'elles satisfont à certains critères de performance. Les producteurs ou détenteurs de déchets de ces filières sont redevables du prix de traitement des déchets qu'ils apportent, qui ne peut être facturé par l'exploitant de l'installation de stockage à un montant supérieur à celui habituellement facturé pour des déchets de même nature.

En obligeant les exploitants à réceptionner, par priorité, certains déchets ultimes, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l'exécution des contrats qu'ils ont préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets. Elles portent donc atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues.
Il ressort des travaux préparatoires que, dans un contexte de raréfaction des capacités de stockage, le législateur a entendu garantir un exutoire aux déchets ultimes de certaines installations de valorisation et favoriser ainsi une gestion plus vertueuse des déchets. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement.
1/ Les dispositions contestées obligent l'exploitant à réceptionner tous les déchets ultimes qui lui sont apportés par certaines filières industrielles, quand bien même elles ne rencontreraient pas de difficultés pour procéder à leur traitement.
2/ les dispositions contestées prévoient que l'exploitant doit être informé de la nature et de la quantité des déchets ultimes qu'il est tenu de prendre en charge au plus tard le 31 décembre de l'année précédant leur réception et au moins six mois avant celle-ci. Néanmoins, ce délai n'est pas de nature à garantir qu'il sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d'exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets, dès lors que les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à son obligation de réception.
3/ Les apporteurs de déchets dont le contrat avec un exploitant n'aura pu être exécuté, en tout ou partie, du fait des dispositions contestées, sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution.

Dès lors, si pour mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, il est loisible au législateur d'instituer une obligation pour les installations de stockage de réceptionner certains déchets ultimes, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution.

Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
En l'espèce, d'une part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision.
D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a régulièrement informé, avant cette même date, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution.

Le Conseil Constitutionnel décide :
Article 1er. - L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, est contraire à la Constitution.
Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision.


Conseil constitutionnel - Décision n° 2021-968 QPC 2022-02-11

 











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