Services publics

"La responsabilité des gestionnaires publics" Colloque organisé par le Conseil d’Etat et la Cour des comptes

Article ID.CiTé du 23/10/2019



Extrait du discours de clôture de Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d'État : " S’interroger sur la responsabilité des gestionnaires publics, c’est tenter de répondre à une préoccupation pressante - et qu’on ne peut plus qualifier de nouvelle - de nos concitoyens : comme le relevait déjà le premier président Séguin lors d’un colloque organisé par la Cour des comptes en 2005, "l’opinion publique ne supporte plus que la mauvaise gestion et les irrégularités dans l’utilisation de l’argent public demeurent, le plus souvent, sans sanctions personnalisées ". Ce constat est plus vrai que jamais, et la responsabilisation des gestionnaires publics, qui est l’un des moyens de faire vivre les principes énoncés à l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen , apparaît comme une impérieuse nécessité inhérente, en vérité, à toute démocratie.

Il faut toutefois s’entendre sur ce que l’on peut raisonnablement attendre d’un gestionnaire public :
- qu’il doive exercer ses fonctions conformément aux devoirs d’honnêteté et de probité qui lui incombent, c’est une évidence et le droit, notamment pénal, doit prévoir des procédures juridictionnelles et des sanctions effectives pour réprimer les manquements de cet ordre.
- Qu’il soit tenu de manier les deniers publics dans le respect des règles du droit budgétaire, c’est-à-dire qu’il n’entache pas sa gestion d’irrégularités, c’est une autre certitude, et à cet égard la mise en jeu de la responsabilité financière, budgétaire et comptable des agents publics - ordonnateurs, comptables et gestionnaires confondus - mérite certainement d’être perfectionnée et mieux adaptée aux spécificités de la gestion publique, ainsi que cela a été évoqué à plusieurs reprises ce matin.


Mais hors de la nécessité de respecter les bornes de la légalité, on ne peut attendre d’un gestionnaire qu’il prenne systématiquement les décisions objectivement les meilleures, c’est-à-dire les plus efficaces et efficientes, à supposer d’ailleurs que celles-ci soient identifiables, même a posteriori. La performance de l’action publique doit demeurer un objectif partagé, qui engage tous les fonctionnaires, mais elle ne saurait jamais recouvrir qu’une obligation de moyens, certes renforcée, mise en œuvre par des gestionnaires publics prêts à prendre des risques, à innover, à pleinement faire usage de la liberté d’action qui leur est laissée. Car la bonne gestion ne se décrète pas : elle suppose souvent des tâtonnements, des expérimentations, des hésitations, des retours en arrière, de la créativité et, parfois, des erreurs.

Tout l’enjeu consiste ainsi à élaborer des règles et des dispositifs permettant de concilier régularité de la gestion publique et incitation à une prise de risques saine et raisonnée. Pour cela, des règles, des juges et des sanctions sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas : une responsabilité de type managérial doit être pensée qui permette tout à la fois d’agir de façon audacieuse et de gérer les risques que recèle toute décision de gestion. Ces deux types de responsabilité doivent être mis en œuvre de concert, car ils sont complémentaires, et c’est leur effectivité qui seule pourra éloigner le risque d’une pénalisation excessive et restaurer la confiance des citoyens envers leurs décideurs publics.

Il apparaît donc nécessaire, aujourd’hui, de mieux calibrer les régimes de responsabilité existants (I) et de développer une véritable responsabilité managériale (II).
 Au sommaire
I.    En premier lieu, il apparaît nécessaire de mieux distinguer les fonctions des différents régimes de responsabilité des gestionnaires publics pour déterminer les moyens de renforcer leur effectivité
A.    Divers régimes de responsabilité ont en effet été élaborés pour encadrer l’action des gestionnaires publics : il faut être clair sur les fonctions qu’on souhaite leur assigner
B.    Les régimes de responsabilités des ordonnateurs et des comptables doivent évoluer pour mieux prendre en compte la logique de performance de l’action publique qui s’est imposée depuis une vingtaine d’années
II.    Mais cet approfondissement de la responsabilité budgétaire et financière, qui ne pourra aboutir sans une volonté politique forte, doit être articulé avec une responsabilité managériale, à même de promouvoir une prise de risque raisonnée de la part des gestionnaires publics.
A.    D’une part, la liberté de gestion promue par la LOLF doit être réaffirmée et les objectifs assignés aux différents ordonnateurs clairement distingués
B.    Il faut d’autre part inciter les gestionnaires à prendre davantage de risques


Conseil d'Etat - Discours complet - 2019-10-22