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Location de meublé sur une courte durée - La pénurie de logements peut justifier la mise en place d'une réglementation des locations meublées touristiques

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 01/03/2021 )



Location de meublé sur une courte durée - La pénurie de logements peut justifier la mise en place d'une réglementation des locations meublées touristiques
Une société, propriétaire d’un studio meublé situé à Paris, a été assignée par le procureur de la République (c’est le maire de la commune qui est désormais compétent) devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé (c’est le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond qui est désormais compétent) en paiement d’une amende pour avoir consenti des locations «de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile «, sans avoir sollicité l’autorisation de changement d’usage autre que celui d’habitation prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

Condamnée par le juge des référés, puis par la cour d’appel, au paiement d’une amende, elle a, à l’occasion de son pourvoi en cassation, soulevé la non-conformité des articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE (dite «directive services») du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

Par un arrêt du 15 novembre 2018 (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.156), la Cour de cassation a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et sursis à statuer dans l’attente de la décision de cette juridiction.

Par un arrêt du 22 septembre 2020 (C-724/18 et C-727/18), la CJUE s’est prononcée sur les questions posées.

La question posée à la Cour de cassation
Les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation sont-ils conformes aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ?

Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation a jugé que les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation sont conformes à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Sur la conformité à l’article 9 de la directive, l’interprétation de la directive par la CJUE s’imposant à elle, la Cour de cassation, reprenant les motifs de la juridiction européenne, a jugé que l’article L. 631-7, alinéa 6, qui soumet à autorisation préalable le fait, dans certaines communes, de «louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile», est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et est proportionné à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante (telle que, par exemple, la limitation des nuitées disponibles à la location ou bien encore la mise en place d’une imposition spécifique destinée à rendre moins attrayante économiquement ce type de contrats), notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

Sur la conformité à l’article 10 de la directive, alors que, sur ce point, la CJUE a laissé à la Cour de cassation le soin de se prononcer après lui avoir toutefois donné quelques «indications de nature à lui permettre de statuer «, celle-ci a jugé :
- d’une part, que l’article L. 631-7, alinéa 6, précité répond aux exigences d’objectivité et de non-ambiguïté prévues par l’article 10 précité, dès lors que, hormis les cas d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d’un bail mobilité d’une durée de un à dix mois et de la location du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, «le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation
À cet égard, la question centrale portait sur la notion de «courtes durées «, figurant dans l’article L. 631-7, alinéa 6, et considérée comme trop imprécise par la société demanderesse au pourvoi : se référant à la réglementation nationale et en particulier à l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation auquel l’article L. 631-7 renvoie, la Cour de cassation a estimé qu’une location de courte durée devait s’entendre de toute location «inférieure à un an». Elle en a déduit que ce texte est suffisamment précis, en ce qu’il concerne la location à plus d’une reprise au cours d’une même année d’un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989.
- d’autre part, que l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation (qui confie au maire de la commune de situation de l’immeuble la faculté de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et attribue au conseil municipal le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées des compensations éventuelles, au regard des objectifs de mixité sociale en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements) prévoit des critères qui sont justifiés par une raison d’intérêt général, qui satisfont aux exigences de clarté, de non-ambiguïté, d’objectivité, de publicité, de transparence et d’accessibilité de la directive et qui, tels que mis en œuvre par la Ville de Paris dont le règlement municipal prévoit une obligation de compensation, sont conformes au principe de proportionnalité.

A noter >> L’obligation de compensation consiste, pour le propriétaire, à subordonner l’obtention de l’autorisation à la proposition de transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage : la réglementation de la Ville de Paris précise à ce sujet que les locaux proposés en compensation doivent être de qualité et de surface équivalentes à celles faisant l’objet du changement d’usage, sauf dans le «secteur de compensation renforcée», où les locaux proposés en compensation doivent représenter une surface double de celle faisant l’objet de la demande du changement d’usage, sauf si ces locaux sont transformés en logements locatifs sociaux, auquel cas le coefficient est de un pour un, l’objectif étant de renforcer la mixité sociale


Cour de cassation n°s 17-26156, 19-13191 er 19-11462 - 2021-02-18
 











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