Affaires juridiques

Mesure utile d'expertise - Conditions d'octroi par le juge des référés

Article ID.CiTé du 10/04/2019



Mme A...est propriétaire d'un immeuble ancien et d'un passage étroit. D'importantes fissures en façade et une déformation de l'étage ayant attiré l'attention des services de l'agglomération, celle-ci a diligenté l'Apave qui a effectué en avril 2018 un constat de péril. Le président de l'agglomération a sollicité les observations de la propriétaire sur les travaux à effectuer, et accepté la proposition d'expertise amiable de celle-ci à condition qu'elle en prenne les frais à sa charge. Le rapport de l'Apave évoquant l'éventualité d'un lien entre l'état de l'immeuble et des travaux effectués sur les réseaux publics à proximité, Mme A...a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau d'ordonner une expertise. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2018 rejetant sa demande.

Dès lors que l'expertise sollicitée par Mme A...a notamment pour objet de rechercher les causes de la dégradation de son immeuble et l'existence d'un lien avec des travaux sur les réseaux d'eau et d'assainissement, le litige au fond qui pourrait en résulter n'est pas insusceptible de relever de la juridiction administrative. Par suite, la communauté d'agglomération et la commune ne sont pas fondées, sur la base de simples hypothèses sur les responsabilités éventuelles, à suggérer que la requête serait présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal. Celle-ci doit être appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens ou de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.

En l’espèce, les éléments du dossier ne permettent pas d'exclure qu'à tout le moins l'aggravation des désordres par ouverture des fissures et basculement soit en lien avec des travaux publics effectués au droit de l'immeuble. Le caractère utile de l'expertise ne peut donc être contesté dans son principe, et il n'appartiendra qu'à l'expert d'apprécier si les risques d'effondrement feraient obstacle, malgré la pose de chevalets d'étaiement, à des investigations au pied de l'immeuble.
Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée. Si son assureur est intervenu pour préciser ne pas souhaiter suivre les opérations d'expertise, il n'appartient pas à la juridiction administrative de déterminer si le litige relèverait éventuellement des garanties souscrites en 2015 au titre du contrat de droit privé qui les lie…

CAA de BORDEAUX N° 18BX04102 - 2019-03-12