La réintroduction ou la réapparition, puis la croissance démographique sensible des grands prédateurs terrestres sur le territoire national, ont ravivé des tensions disparues et fragilisent le pastoralisme. Aujourd’hui, plus de 30 ans après l’identification d’un premier loup dans le Mercantour, force est de constater que l’équilibre recherché par les différentes politiques publiques déployées depuis lors entre, d’une part la protection des loups et des ours, et d’autre part le maintien et la sauvegarde de pratiques pastorales ancestrales pourvoyeuses d’emplois, d’opportunités économiques, et d’aménités positives pour les espaces de montagne, n’est pas atteint.
La prise de conscience de l’importance des dommages de la prédation sur les activités pastorales a donné naissance à une politique publique d’encadrement et de limitation des effets de la prédation, organisée en triptyque. En amont des attaques, la prise en charge de mesures de protection vise à limiter le nombre d’attaques sur les troupeaux et leur mortalité. En aval, l’indemnisation offre une compensation, néanmoins incomplète, aux éleveurs. Enfin, et face aux insuffisances des mesures de protection, des protocoles de tir ont été mis en œuvre et permettent de diminuer sensiblement la pression de la prédation dans les territoires les plus touchés.
Face à l’ampleur croissante des dommages de la prédation, la rapporteure a mené une analyse inédite de cette politique publique, dans le but d’en évaluer le coût complet ainsi que l’efficacité. Il résulte de ses travaux que le coût de la politique publique d’encadrement et de limitation des dommages de la prédation représente en 2020 environ 56 millions d’euros, et suit une augmentation soutenue.
Il convient d’ajouter au coût public les dépenses engagées par les éleveurs pour se protéger (représentant un reste à charge estimé à 7,86 millions d’euros par an), de même que par d’autres acteurs investis dans le dispositif, comme les chasseurs (pour qui les divers frais liés aux opérations de tirs peuvent être estimés à plus de 2 millions d’euros). Au total, l’effort national et européen relatif à cette politique a explosé, et peut être estimé aujourd’hui à un montant minimum de 66 millions d’euros environ.
Malgré la forte croissance du coût des mesures de protection au cours des 15 dernières années et leur déploiement de plus en plus large, elles n’ont pas permis de faire diminuer significativement le nombre d’attaques et la mortalité sur les troupeaux (avec 3 572 attaques et 10 900 animaux tués en 2021, contre 2 447 attaques et 8 973 victimes en 2015). La courbe soulignant l’augmentation des dépenses publiques liées à la protection du pastoralisme face à la prédation est malheureusement parallèle à celle relative à l’augmentation des attaques et des victimes, ce qui interroge évidemment l’efficience de la méthode choisie pour sauvegarder le pastoralisme face à la prédation, et le principe même de « cohabitation » entre pastoralisme, loups et ours.
Évidemment, la situtation serait pire sans les mesures de protection, mais la rapporteure a souhaité interrogé l’efficience de cette dépense publique en croissance forte depuis 15 ans, au regard de l’objectif qu’elle s’est assignée : parvient-elle à faire baisser drastiquement, voire à supprimer, les attaques des grands prédateurs sur les troupeaux ? Peut-elle y parvenir dans un contexte de forte croissance démographique et géographique de ces espèces strictement protégées sur le territoire national, et si oui à quel prix pour les éleveurs et à quel coût en matière d’argent public ?
La question se pose de l’avenir à moyen terme du pastoralisme, des conditions de travail et de vie des éleveurs, soumis à une pression constante sur leur troupeaux malgré le déploiement des mesures de protection, si aucune réforme du statut des grands prédateurs n’est entamée, et si un équilibre plus protecteur du pastoralisme n’est pas trouvé.
Une autre difficulté doit être soulignée : il s’agit des effets pervers de certaines mesures de protection sur les espaces de montagne.
La multiplication des chiens de protection, rendue nécessaire par la présence des grands prédateurs sur ces espaces, et financée par l’État et l’Union européenne, peut engendrer de graves conflits d’usage des espaces de montagne, entre randonneurs et pastoralisme, voire entre habitants et éléveurs au sein des villages à l’année, avec une multiplication des incidents, parfois graves (morsures, plaintes, fermetures d’espaces de randonnées, etc.).
Ces accidents mettent les maires et éleveurs dans des situations extrêmement difficiles, sans outil juridique adapté à ce nouveau contexte (absence de statut des chiens, non-définition de la responsabilité, etc).
De manière générale, l’efficacité des différents aspects de la politique publique, et les effets induits de la protection stricte de ces espèces ne sont que très peu évalués, alors même que ces mesures et leurs effets sont dus aux engagements internationaux de la France à protéger ses espèces prédatrices.
Face à ces constats, le rapporteure formule 26 recommandations pour réformer la politique de protection du pastoralisme et pour réévaluer à une échelle pertinente la protection des grands prédateurs. Ultimement, il convient de s’interroger sur la possibilité d’une meilleure régulation de la population des grands prédateurs terrestres, comme toutes les espèces sauvages, afin de permettre de faire diminuer la pression de la prédation et d’assurer aux activités pastorales leur maintien dans le temps et dans l’espace.
Assemblée Nationale >> Rapport d’information
La prise de conscience de l’importance des dommages de la prédation sur les activités pastorales a donné naissance à une politique publique d’encadrement et de limitation des effets de la prédation, organisée en triptyque. En amont des attaques, la prise en charge de mesures de protection vise à limiter le nombre d’attaques sur les troupeaux et leur mortalité. En aval, l’indemnisation offre une compensation, néanmoins incomplète, aux éleveurs. Enfin, et face aux insuffisances des mesures de protection, des protocoles de tir ont été mis en œuvre et permettent de diminuer sensiblement la pression de la prédation dans les territoires les plus touchés.
Face à l’ampleur croissante des dommages de la prédation, la rapporteure a mené une analyse inédite de cette politique publique, dans le but d’en évaluer le coût complet ainsi que l’efficacité. Il résulte de ses travaux que le coût de la politique publique d’encadrement et de limitation des dommages de la prédation représente en 2020 environ 56 millions d’euros, et suit une augmentation soutenue.
Il convient d’ajouter au coût public les dépenses engagées par les éleveurs pour se protéger (représentant un reste à charge estimé à 7,86 millions d’euros par an), de même que par d’autres acteurs investis dans le dispositif, comme les chasseurs (pour qui les divers frais liés aux opérations de tirs peuvent être estimés à plus de 2 millions d’euros). Au total, l’effort national et européen relatif à cette politique a explosé, et peut être estimé aujourd’hui à un montant minimum de 66 millions d’euros environ.
Malgré la forte croissance du coût des mesures de protection au cours des 15 dernières années et leur déploiement de plus en plus large, elles n’ont pas permis de faire diminuer significativement le nombre d’attaques et la mortalité sur les troupeaux (avec 3 572 attaques et 10 900 animaux tués en 2021, contre 2 447 attaques et 8 973 victimes en 2015). La courbe soulignant l’augmentation des dépenses publiques liées à la protection du pastoralisme face à la prédation est malheureusement parallèle à celle relative à l’augmentation des attaques et des victimes, ce qui interroge évidemment l’efficience de la méthode choisie pour sauvegarder le pastoralisme face à la prédation, et le principe même de « cohabitation » entre pastoralisme, loups et ours.
Évidemment, la situtation serait pire sans les mesures de protection, mais la rapporteure a souhaité interrogé l’efficience de cette dépense publique en croissance forte depuis 15 ans, au regard de l’objectif qu’elle s’est assignée : parvient-elle à faire baisser drastiquement, voire à supprimer, les attaques des grands prédateurs sur les troupeaux ? Peut-elle y parvenir dans un contexte de forte croissance démographique et géographique de ces espèces strictement protégées sur le territoire national, et si oui à quel prix pour les éleveurs et à quel coût en matière d’argent public ?
La question se pose de l’avenir à moyen terme du pastoralisme, des conditions de travail et de vie des éleveurs, soumis à une pression constante sur leur troupeaux malgré le déploiement des mesures de protection, si aucune réforme du statut des grands prédateurs n’est entamée, et si un équilibre plus protecteur du pastoralisme n’est pas trouvé.
Une autre difficulté doit être soulignée : il s’agit des effets pervers de certaines mesures de protection sur les espaces de montagne.
La multiplication des chiens de protection, rendue nécessaire par la présence des grands prédateurs sur ces espaces, et financée par l’État et l’Union européenne, peut engendrer de graves conflits d’usage des espaces de montagne, entre randonneurs et pastoralisme, voire entre habitants et éléveurs au sein des villages à l’année, avec une multiplication des incidents, parfois graves (morsures, plaintes, fermetures d’espaces de randonnées, etc.).
Ces accidents mettent les maires et éleveurs dans des situations extrêmement difficiles, sans outil juridique adapté à ce nouveau contexte (absence de statut des chiens, non-définition de la responsabilité, etc).
De manière générale, l’efficacité des différents aspects de la politique publique, et les effets induits de la protection stricte de ces espèces ne sont que très peu évalués, alors même que ces mesures et leurs effets sont dus aux engagements internationaux de la France à protéger ses espèces prédatrices.
Face à ces constats, le rapporteure formule 26 recommandations pour réformer la politique de protection du pastoralisme et pour réévaluer à une échelle pertinente la protection des grands prédateurs. Ultimement, il convient de s’interroger sur la possibilité d’une meilleure régulation de la population des grands prédateurs terrestres, comme toutes les espèces sauvages, afin de permettre de faire diminuer la pression de la prédation et d’assurer aux activités pastorales leur maintien dans le temps et dans l’espace.
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