En 2030, 21 millions de seniors de 60 ans ou plus vivront en France, soit trois millions de plus qu’aujourd’hui et, en 2070, les plus de 75 ans pourraient représenter près de 18 % d’une population de 76 millions d’habitants.
Permettre à cette population de vieillir en bonne santé est à l’évidence un des défis majeurs du siècle.
La prise en charge de la dépendance ou, comme l’on dit désormais, de la perte d’autonomie, a fait d’importants progrès ces vingt dernières années, sur le plan scientifique aussi bien que sur les plans organisationnel et financier. Seule ou presque, la dimension prophylactique de la question restait largement subordonnée, soit à la politique de santé publique au sens large, soit aux stratégies ponctuelles de traitement de pathologies spécifiques
Le vieillissement remet d’abord en question les institutions existantes, tel l’hôpital : comme le rappelle le Pr Bruno Vellas, alors que notre système de santé a été créé après la deuxième guerre mondiale pour traiter les maladies aiguës de l’adulte jeune, la plupart des patients désormais pris en charge en soins aigus ont des pathologies chroniques. Il faut en conséquence repenser l’administration du soin.
Coordonner la diversité des acteurs impliqués requiert ensuite un doigté de chef d’orchestre. Une alimentation saine, un exercice physique adapté et le maintien du lien social constituent un «trépied préventif» bien identifié, sur lequel se déplient, presque à l’infini, de nombreuses actions sectorielles : le repérage des fragilités, l’adaptation des logements, celle de l’environnement urbain, des prises en charge hospitalières, des interventions à domicile, des activités sportives…. Sans parler des causalités que la science n’a pas encore bien étayées : qui dira, en effet, si le rééquilibrage de nos apports nutritionnels par une agriculture moins industrielle, le bien-être au travail ou la lutte contre la pollution environnementale n’auront pas l’influence déterminante sur le maintien des capacités à long terme que les politiques de santé publique classiques peinent parfois à obtenir ?
Prévenir le vieillissement en mauvaise santé impose encore à l’action publique de repenser ses modes d’intervention, voire la logique même qui la fonde. La vieillesse étant l’imperceptible passage d’un état à un autre, il y a quelque déraisonnable obstination à vouloir ranger à toute force la situation d’un individu dans les cases étroites que nous souffle la manie grecque d’opposer les concepts : la ville ou l’hôpital, l’hôpital ou le domicile, le domicile ou l’établissement, le GIR 3 ou 4, l’activité ou la retraite.
Enfin, la principale difficulté réside sans doute dans le fait de ne voir dans la vieillesse qu’un problème à résoudre.
La priorité des pouvoirs publics devrait être de permettre au plus grand nombre de vieillir heureux.
Propositions
1. Renforcer la compétence des départements en matière médico-sociale
• En précisant dans la loi sa compétence d’organisation de visites de prévention à 75 ans, d’organisation du maintien à domicile et de soutien apporté aux proches aidants, en lien avec les communes et les CCAS
• En lui donnant un rôle d’impulsion et de coordination de l’habitat inclusif
2. Confier à la CNSA, dans un délai restreint, le chantier de l’unification des outils d’évaluation et de la refonte de l’allocation personnalisée d’autonomie
• À court terme, unifier les outils d’évaluation de la situation des personnes, à partir d’un bilan des outils existants
• À moyen terme, confier à la CNSA la conception d’une prestation universelle d’autonomie sans barrière d’âge s’appuyant sur ce nouvel outil d’évaluation
3. Systématiser les bilans complets vers 75 ans, réalisés par des infirmiers, des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes et/ou des psychologues • Lancer un plan massif de recrutement d’ergothérapeutes
• Autoriser plus largement ces professionnels à prescrire des aides techniques
4. Mieux affirmer la priorité du maintien à domicile
• Inscrire la priorité du maintien à domicile dans le droit positif
• Expérimenter de nouveaux modèles d’organisation et de tarification des services d’aide à domicile
5. Fixer un objectif d’arrêt de construction d’Ehpad à court terme
• Développer les résidences autonomie, notamment en outre-mer • Revoir les procédures de création et de rénovation d’établissement : y associer résidents et personnel, inclure les architectes dans les commissions de sélection et d’appel à projets, faire de l’ouverture sur la vie de quartier un des critères d’autorisation ou de rénovation
• Encourager financièrement le déploiement des labels de bonnes pratiques
• Créer un statut de kinésithérapeute coordonnateur
6. Doter la CNSA des moyens d’exercer sa mission de pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie
• Élargir son périmètre au moins aux aides à l’adaptation du logement
• Améliorer ses outils de suivi statistique des dépenses de soins infirmiers de ville et relatifs aux services d’aide à domicile
7. Simplifier radicalement le paysage des aides à l’adaptation du logement en donnant accès aux usagers à des services, unifiés sous la houlette du département, d’information sur les solutions existantes, d’instruction de leur dossier depuis un guichet unique et d’accompagnement dans la réalisation de leurs travaux
8. Associer les ministères des sports et de l’enseignement supérieur à la politique de prévention de la perte d’autonomie
• Associer plus étroitement les services déconcentrés du ministère des sports aux conférences des financeurs
• Assouplir les possibilités de prescription d’activité physique adaptée pour les personnes âgées
• Développer les partenariats avec les universités de tous les âges afin de mailler le territoire d’offres d’activités intellectuelles à l’attention des seniors comme des jeunes, sans concurrence entre elles
• Étendre l’opération «Nation apprenante» à un public plus avancé en âge ; y associer les établissements médico-sociaux, enrichir à cette fin les cahiers des charges du service public audiovisuel
9. Se doter de véritables plans d’action nationaux de prévention de la perte d’autonomie
• Des plans évaluables, dotés d’objectifs et d’une gouvernance appropriée
• Un volet spécifique sur la prévention de la perte d’autonomie outre-mer
10. Élargir les actions et rationaliser le fonctionnement des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie
11. Dresser un bilan des différentes politiques d’accessibilité et d’adaptation des espaces urbains au vieillissement et des modifications qu’elles appellent des règles d’urbanisme
Sénat - Rapport d’information n°453 - 2021-03-17
Permettre à cette population de vieillir en bonne santé est à l’évidence un des défis majeurs du siècle.
La prise en charge de la dépendance ou, comme l’on dit désormais, de la perte d’autonomie, a fait d’importants progrès ces vingt dernières années, sur le plan scientifique aussi bien que sur les plans organisationnel et financier. Seule ou presque, la dimension prophylactique de la question restait largement subordonnée, soit à la politique de santé publique au sens large, soit aux stratégies ponctuelles de traitement de pathologies spécifiques
Le vieillissement remet d’abord en question les institutions existantes, tel l’hôpital : comme le rappelle le Pr Bruno Vellas, alors que notre système de santé a été créé après la deuxième guerre mondiale pour traiter les maladies aiguës de l’adulte jeune, la plupart des patients désormais pris en charge en soins aigus ont des pathologies chroniques. Il faut en conséquence repenser l’administration du soin.
Coordonner la diversité des acteurs impliqués requiert ensuite un doigté de chef d’orchestre. Une alimentation saine, un exercice physique adapté et le maintien du lien social constituent un «trépied préventif» bien identifié, sur lequel se déplient, presque à l’infini, de nombreuses actions sectorielles : le repérage des fragilités, l’adaptation des logements, celle de l’environnement urbain, des prises en charge hospitalières, des interventions à domicile, des activités sportives…. Sans parler des causalités que la science n’a pas encore bien étayées : qui dira, en effet, si le rééquilibrage de nos apports nutritionnels par une agriculture moins industrielle, le bien-être au travail ou la lutte contre la pollution environnementale n’auront pas l’influence déterminante sur le maintien des capacités à long terme que les politiques de santé publique classiques peinent parfois à obtenir ?
Prévenir le vieillissement en mauvaise santé impose encore à l’action publique de repenser ses modes d’intervention, voire la logique même qui la fonde. La vieillesse étant l’imperceptible passage d’un état à un autre, il y a quelque déraisonnable obstination à vouloir ranger à toute force la situation d’un individu dans les cases étroites que nous souffle la manie grecque d’opposer les concepts : la ville ou l’hôpital, l’hôpital ou le domicile, le domicile ou l’établissement, le GIR 3 ou 4, l’activité ou la retraite.
Enfin, la principale difficulté réside sans doute dans le fait de ne voir dans la vieillesse qu’un problème à résoudre.
La priorité des pouvoirs publics devrait être de permettre au plus grand nombre de vieillir heureux.
Propositions
1. Renforcer la compétence des départements en matière médico-sociale
• En précisant dans la loi sa compétence d’organisation de visites de prévention à 75 ans, d’organisation du maintien à domicile et de soutien apporté aux proches aidants, en lien avec les communes et les CCAS
• En lui donnant un rôle d’impulsion et de coordination de l’habitat inclusif
2. Confier à la CNSA, dans un délai restreint, le chantier de l’unification des outils d’évaluation et de la refonte de l’allocation personnalisée d’autonomie
• À court terme, unifier les outils d’évaluation de la situation des personnes, à partir d’un bilan des outils existants
• À moyen terme, confier à la CNSA la conception d’une prestation universelle d’autonomie sans barrière d’âge s’appuyant sur ce nouvel outil d’évaluation
3. Systématiser les bilans complets vers 75 ans, réalisés par des infirmiers, des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes et/ou des psychologues • Lancer un plan massif de recrutement d’ergothérapeutes
• Autoriser plus largement ces professionnels à prescrire des aides techniques
4. Mieux affirmer la priorité du maintien à domicile
• Inscrire la priorité du maintien à domicile dans le droit positif
• Expérimenter de nouveaux modèles d’organisation et de tarification des services d’aide à domicile
5. Fixer un objectif d’arrêt de construction d’Ehpad à court terme
• Développer les résidences autonomie, notamment en outre-mer • Revoir les procédures de création et de rénovation d’établissement : y associer résidents et personnel, inclure les architectes dans les commissions de sélection et d’appel à projets, faire de l’ouverture sur la vie de quartier un des critères d’autorisation ou de rénovation
• Encourager financièrement le déploiement des labels de bonnes pratiques
• Créer un statut de kinésithérapeute coordonnateur
6. Doter la CNSA des moyens d’exercer sa mission de pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie
• Élargir son périmètre au moins aux aides à l’adaptation du logement
• Améliorer ses outils de suivi statistique des dépenses de soins infirmiers de ville et relatifs aux services d’aide à domicile
7. Simplifier radicalement le paysage des aides à l’adaptation du logement en donnant accès aux usagers à des services, unifiés sous la houlette du département, d’information sur les solutions existantes, d’instruction de leur dossier depuis un guichet unique et d’accompagnement dans la réalisation de leurs travaux
8. Associer les ministères des sports et de l’enseignement supérieur à la politique de prévention de la perte d’autonomie
• Associer plus étroitement les services déconcentrés du ministère des sports aux conférences des financeurs
• Assouplir les possibilités de prescription d’activité physique adaptée pour les personnes âgées
• Développer les partenariats avec les universités de tous les âges afin de mailler le territoire d’offres d’activités intellectuelles à l’attention des seniors comme des jeunes, sans concurrence entre elles
• Étendre l’opération «Nation apprenante» à un public plus avancé en âge ; y associer les établissements médico-sociaux, enrichir à cette fin les cahiers des charges du service public audiovisuel
9. Se doter de véritables plans d’action nationaux de prévention de la perte d’autonomie
• Des plans évaluables, dotés d’objectifs et d’une gouvernance appropriée
• Un volet spécifique sur la prévention de la perte d’autonomie outre-mer
10. Élargir les actions et rationaliser le fonctionnement des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie
11. Dresser un bilan des différentes politiques d’accessibilité et d’adaptation des espaces urbains au vieillissement et des modifications qu’elles appellent des règles d’urbanisme
Sénat - Rapport d’information n°453 - 2021-03-17