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Parl. - Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - Les peines sanctionnant les violences contre les élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains ont été durcies

Article ID.CiTé du 15/12/2022



Le 14 décembre 2022, le Sénat a définitivement voté le projet de loi qui fixe les objectifs et programme les moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels du ministère de 2023 à 2027.

Il prévoit une hausse du budget de l'Intérieur de 15 milliards d'euros sur les cinq prochaines années, pour investir dans le numérique, pour une plus grande proximité des services et pour mieux prévenir les menaces et les crises.

Ce texte, qui a été amendé par les parlementaires, comprend 27 articles (contre 16 initialement) et un rapport annexé qui détaille les ambitions et les projets de modernisation du ministère de l'intérieur pour les cinq prochaines années. Un comité des investissements, présidé par le ministre, sera institué pour les projets d’investissement majeurs.

La transformation numérique du ministère
Près de la moitié du budget du projet de loi est consacrée à la "révolution numérique" du ministère et à la modernisation des moyens de lutte contre la cybercriminalité. Le livre blanc sur la sécurité intérieure, publié en novembre 2020  avait mis en évidence la nécessité d'investir massivement dans le domaine technologique.
Parmi les projets annoncés, figurent la dématérialisation des procurations électorales, un accompagnement humain pour les télé-procédures du ministère, de nouveaux outils numériques pour les forces de l'ordre ou encore une agence du numérique des forces de sécurité.

Le cadre pour le déploiement du "réseau radio du futur", réseau de communications à très haut débit (4G et 5G des opérateurs mobiles) qui sera commun aux forces de sécurité et aux services de secours, est défini.

En matière de cybersécurité, les crédits permettront de créer une école de formation cyber au sein du ministère et l'équivalent numérique de "l'appel 17", le 17 Cyber, pour signaler en direct une cyberattaque ou une escroquerie en ligne. De plus, 1 500 cyber-patrouilleurs seront déployés. Toutes les entreprises et les institutions seront sensibilisées aux risques cybers.
Le code de procédure pénale est, en outre, modifié pour permettre aux policiers, sur autorisation de la justice, de saisir des actifs numériques.

Pour une meilleure information de la police et de la justice, les clauses de remboursement des cyber-rançons par les assurances sont encadrées. A l'avenir, le remboursement sera conditionné au dépôt d'une plainte de la victime dans les 72h après connaissance de l'infraction. Les parlementaires ont prévu que l'obligation soit limitée aux professionnels et qu'elle s'applique 3 mois après la promulgation de la loi.

Les peines encourues en cas de cyberattaques contre un réseau informatique ou bancaire, les hôpitaux et les services de numéros d'urgence ont été aggravées. En outre, le gouvernement devra remettre d'ici fin 2023 deux rapports évaluant la protection des collectivités locales et des entreprises face aux cyberattaques.

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L'accueil des victimes et la réponse pénale
Des dispositions traitent de l'accueil des victimes, qui pourront désormais porter plainte et être entendues par la police en visioconférence. En 2023, l'application "Ma Sécurité" lancée début 2022, permettra de déposer plainte en ligne et à terme de suivre son traitement.

Pour renforcer la lutte contre les violences intrafamiliales, de nouveaux crédits permettront d'augmenter le nombre des enquêteurs spécialisés (4 000 contre 2 000 aujourd'hui) et des intervenants sociaux police-gendarmerie (600 contre 400 actuellement). La possibilité de porter plainte "hors les murs" d'un commissariat, déjà expérimentée, sera généralisée.

Le code pénal est revu pour sanctionner plus sévèrement l'outrage sexiste et sexuel, qui devient un délit dans certaines circonstances aggravantes (lorsqu'il est infligé à un enfant par exemple). Cet outrage aggravé sera passible de 3 750 euros d'amende, avec possibilité d'une amende forfaitaire de 300 euros.

Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD), qui concernent aujourd'hui 11 délits (conduite sans permis, usage de drogue...), sont étendues à de nouveaux délits : vente à la sauvette, filouterie de carburant, tags, intrusion dans un établissement scolaire, atteintes à la circulation des trains, rodéos nautiques, striking -fait d'entrer sur un terrain de sport...Initialement le projet de loi envisageait de généraliser les AFD à tous les délits punis d'un an de prison maximum, soit près de 3 400.

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Les peines sanctionnant les violences contre les élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains ont été durcies (3 ans de prison et 30 000 euros d'amende à l'avenir pour un refus d'obtempérer). De même, les parlementaires ont facilité les poursuites en cas de menace de mort.

Pour réprimer plus efficacement le phénomène sectaire, le recours aux techniques spéciales d'enquête est étendu aux investigations en matière d'abus de faiblesse en bande organisée. Ce recours est aussi autorisé pour la recherche de fugitifs dans le cadre de la criminalité organisée et pour les meurtres et les viols commis en série.

Le projet de loi renforce la filière investigation en simplifiant la procédure pénale : tous les nouveaux policiers et gendarmes seront formés aux fonctions d’officier de police judiciaire (OPJ), des assistants d'enquête sont créés afin d'accélérer et de rendre plus efficace les enquêtes. Le gouvernement devra remettre dans les deux ans un rapport évaluant cette nouvelle fonction.

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Les forces de l'ordre et les services dans les territoires
Le rapport annexé au projet de loi prévoit la départementalisation de la police nationale. Les directions départementales de la police nationale (DDPN) seront généralisées mi 2023, sous réserve des spécificités de la police judiciaire. Les parlementaires ont rappelé les principes que cette réforme devra respecter quant aux missions de police judiciaire et y ont apporté des garanties : les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur.
La réforme s’effectuera sans modifier la cartographie des services de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ayant des missions de police judiciaire : le maillage territorial actuel sera maintenu et adapté aux évolutions des bassins de délinquance, aucun service de police judiciaire n’étant supprimé.
Les offices centraux seront conservés et confortés par des antennes locales...

Avec une hausse de près de 22% de son budget en cinq ans, le ministère de l'intérieur a aussi pour objectif de :
- doubler la présence des forces de l'ordre sur le terrain d'ici 2030via notamment la suppression de missions périphériques (comme le transfert de détenus) ou la simplification des procédures ;

- mettre en place 200 nouvelles brigades de gendarmerie (fixes et mobiles) en zone rurale ou périurbaine (500 ont été supprimées les quinze dernières années) ;

- rouvrir des sous-préfectures dans les zones rurales et périurbaines et poursuivre la labellisation de sous-préfectures en espaces France services ;
- délocaliser certains services centraux du ministère dans des villes moyennes ou en zone rurale ;

tripler les crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéoprotection des communes ;

- doter de nouveaux matériels (véhicules, armements...) les forces de l'ordre et renforcer leur formation (doublement du temps de formation...) ;

- créer 100 classes de reconquête républicaine dans les quartiers populaires, destinées en priorité aux élèves décrocheurs ;
- revoir les concours pour élargir le recrutement ;
- installer un collège de déontologie auprès du ministre de l’intérieur.


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Ce budget permettra également de tenir compte des deux protocoles signés en mars 2022 avec les syndicats sur les carrières des policiers (783 millions d'euros sur cinq ans) et des gendarmes (700 millions sur la même période).

Dans le rapport annexé, les sénateurs ont précisé que les maires devront être consultés par le ministère de l'intérieur avant toute fermeture de commissariat ou de gendarmerie.


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La gestion des crises
La gestion de crise sera professionnalisée. Le texte confie la gestion des crises graves (cyber, santé, environnement...) aux préfets des départements qui dirigeront l'action des établissements et services déconcentrés qui ne relèvent pas de leur autorité en temps normal. La construction d'un "centre interministériel de crise 2.0" est envisagé.

Pour développer la culture du risque chez les citoyens, l'organisation chaque année d'une journée nationale obligatoire dédiée aux risques majeurs et aux gestes qui sauvent est annoncée.

En vue de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques de 2024, les crédits du projet LOPMI permettront de constituer 11 nouvelles unités de forces mobiles (UFM) spécialisées.

Face aux crises climatiques, le matériel de la sécurité civile continuera d'être modernisé (comme le renouvellement de la flotte d'hélicoptères).
La sécurisation des frontières bénéficiera, par ailleurs, de moyens (par exemple brigades mixtes avec des pays frontaliers). Par ailleurs, sur amendement des députés, les centres de rétention administrative bénéficieront d'un important plan d'extension pour être portés à 3 000 places.
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Des moyens particuliers pour les outre-mer
Les mesures du projet de loi sont adaptées et étendues outre-mer.
Les projets d'investissement pour les outre-mer sont : un effort de remise à niveau de l’architecture de leurs réseaux de communication, de nouveaux outils technologiques pour lutter contre les trafics aux frontières, un pré-positionnement des moyens de la sécurité civile pour fournir une première réponse en cas de risque naturel (comme les cyclones ou séismes), des plans des risques spécifiques à chaque territoire ultramarin...

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