Démocratie locale - Citoyenneté

Parl. - Renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (PL rejetée au Sénat)

Article ID.CiTé du 04/04/2024



Le 2 avril 2024, le Sénat a rejeté le projet de loi en nouvelle lecture. Le texte sera prochainement examiné en lecture définitive par l'Assemblée nationale.

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En première lecture, les sénateurs ont supprimé les nouveaux délits de placement ou de maintien en état de sujétion et de provocation à l'abandon ou à l'abstention  de soins ainsi que la nouvelle circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique, estimant qu'ils reposent sur des dispositifs juridiquement fragiles en suivant, sur l'article 4l'avis du Conseil d’État  sur le projet initial du gouvernement.
Ils ont doté la Miviludes, créée par décret en 2002, d'un statut législatif afin de la conforter dans ses missions et renforcé la répression des délits en lien avec les dérives sectaires commis sur Internet (abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, pratiques commerciales trompeuses). Les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ont été élargies, à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires.

En première lecture, les députés sont revenus sur l'essentiel des amendements votés par le Sénat en matière répressive. Ils ont ainsi rétabli le nouveau délit de sujétion psychologique ou physique prévu par le texte tout en le précisant, de même que la nouvelle circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique. Ils ont également rétabli (après une seconde délibération) l'article 4 du projet de loi dédié aux dérives thérapeutiques et qui institue un délit de provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins. Cet article a été réécrit afin notamment de préciser que "dans le cas où la provocation s’accompagne d’une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé", le délit n'est pas constitué "si la preuve du consentement libre et éclairé de la personne est rapportée". Par ailleurs, "il est explicitement mentionné qu’une personne maintenue ou placée en état de sujétion ne peut être concernée par cette dérogation" car elle ne peut pas, par définition, consentir de manière libre et éclairée à des manœuvres destinées à la détourner des soins. Les lanceurs d’alerte ont été explicitement exclus.

Un nouvel article a été introduit pour prévoir de nouvelles circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires dans le cadre de l’infraction  relative aux "thérapies de conversion" (si la victime est en état de sujétion, si l'infraction est commise par un "gourou"...). En outre, les associations anti-sectes pourront se constituer partie civile dans de telles affaires. La Miviludes, dans un rapport de 2021, a souligné les liens importants qui existaient entre les thérapies de conversion et les dérives sectaires.

Un autre amendement a étendu les obligations des fournisseurs d’accès à internet (FAI) et des hébergeurs de contenus en ligne qui devront désormais concourir à la lutte contre les abus de faiblesse et au nouveau délit de sujétion psychologique ou physique, à l’instar de ce qu’il leur est déjà imposé pour lutter contre le harcèlement scolaire ou moral ou encore la provocation à la haine.

Des dispositions ont été ajoutées afin d’exclure du bénéfice des dons ouvrant droit à des avantages fiscaux les organismes condamnés pour dérives sectaires et d'ouvrir une nouvelle possibilité de dérogation au secret médical spécifiquement dédiée aux dérives sectaires.

L’allongement du délai de prescription de l'abus de faiblesse au profit des enfants victimes de dérives sectaires, introduit par les sénateurs, a été amélioré. Le délai est porté de 6 à 10 ans à partir de la majorité de la victime.
Deux rapports ont été demandés au gouvernement dans un délai d'un an : le premier sur l'application de la loi dans le domaine de la santé mentale et le second sur l’utilisation des titres professionnels par des personnes exerçant des pratiques de santé non réglementées.

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En nouvelle lecture, les députés ont adopté peu d'amendements
. Ils ont étendu les missions de la Miviludes, qui devra s'assurer, en lien avec le ministère de l'Éducation nationale, que les programmes du secondaire intègrent la sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires. Ils ont rétabli la possibilité pour les associations d'utilité publique de se porter partie civile dans les affaires de dérives sectaires.

Comme en première lecture, ils ont supprimé la peine complémentaire de bannissement numérique pour les auteurs d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses, introduite par le Sénat, tout en renforçant les peines (jusqu'à 5 ans de prison) lorsque de tels faits sont commis via internet (nouvelle circonstance aggravante).

Les députés ont enfin précisé le délit de provocation prévu par l’article 4 du projet de loi, afin de garantir le respect de la liberté individuelle dans le choix de son traitement. Ce délit ne serait pas constitué dès lors qu’est établi "la volonté libre et éclairée de la personne, eu égard notamment à la délivrance d’une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé".

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Les sénateurs ont rejeté le texte en nouvelle lecture
après avoir adopté une motion tendant à opposer la question préalable.
Ils ont estimé que "Les dispositions pénales des articles 1er et 4 supprimées par le Sénat et rétablies, dans un rédaction remaniée, par l'Assemblée nationale, n'atteignent manifestement pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l'exercice de la liberté d'expression et la liberté de choisir et de refuser des soins, et l'objectif de protection de la santé publique".

Sénat - Dossier législatif