Finances - Fiscalité

R.M - Emprunts toxiques - La réouverture du fonds de soutien n'est pas envisageable

Article ID.CiTé du 11/01/2018




Le développement des emprunts à risque souscrits par les collectivités locales, dont les remboursements, en raison du contexte macroéconomique, se sont révélés difficilement soutenables pour de nombreux emprunteurs, a conduit l'État à mettre en place un fonds de soutien par la loi n°  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Ce dispositif, doté de 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, abondé à la fois par le secteur financier via une contribution additionnelle à la taxe sur le risque systémique, des contributions volontaires de certains établissements de crédit et par l'État, avait pour objectif d'aider les collectivités disposant d'emprunts à risques de désensibiliser ces encours, en prenant en charge une partie importante (plus de 50 %, en moyenne) de l'indemnité de remboursement anticipé (IRA). En contrepartie, les collectivités bénéficiaires de l'aide, se sont engagées à renoncer au contentieux contre les établissements de crédit. Le fonds de soutien a constitué un véritable succès puisque 676 collectivités éligibles ont déposé une demande d'aide avant la date limite de dépôt des dossiers fixée par la loi au 30 avril 2015, parmi lesquelles 578 ont effectivement accepté l'aide proposée, pour 4,5 milliards d'euros d'encours d'emprunts à risque désensibilisés. Tant la qualité de la gouvernance du fonds de soutien, qui associait étroitement l'État et les élus, que la transparence des critères d'attribution ont été saluées par les parties prenantes. 

Le Fonds de soutien pour les collectivités locales disposant d'emprunts à risque a ainsi aidé les collectivités sur la base de critères précis, liés notamment au degré de toxicité des produits financiers qu'elles avaient souscrits, définis en référence à la classification de la "charte Gissler" établie en 2009. Dans cette perspective, l'existence de difficultés financières pour des collectivités locales, si elle n'était pas reliée à la détention d'emprunts à risque au sens de la charte, n'ouvrait pas droit au bénéfice du fonds de soutien. 

Par ailleurs, certaines collectivités, dont les emprunts étaient pourtant éligibles au fonds de soutien, ont, par le passé, librement choisi d'en refuser le bénéfice, le plus souvent pour intenter des actions contentieuses contre les établissements de crédit. S'il n'appartient pas à l'État de juger de la pertinence de cette stratégie, on peut relever qu'elle ne s'est pas toujours révélée concluante a posteriori pour les collectivités concernées et qu'elle aurait pu mettre en péril le succès du fonds de soutien (et, à travers lui, la désensibilisation des emprunts à risque) si la majorité des exécutifs locaux avait choisi cette voie. 

Aujourd'hui, ces collectivités, au même titre que celles se trouvant dans une situation financière délicate, peuvent pleinement solliciter les dispositifs d'accompagnement de droit commun notamment via le réseau d'alerte sur les finances locales mis en place par les ministères des finances et de l'intérieur pour détecter en amont les collectivités en situation de fragilité budgétaire. 

A contrario, la réouverture du fonds de soutien, fermé depuis le 30 avril 2015 selon les termes de la loi, n'est pas envisageable dans la mesure où elle serait de nature à introduire une rupture d'égalité entre les collectives bénéficiaires du dispositif par le passé, celles qui souhaiteraient le solliciter aujourd'hui et potentiellement celles qui sont sorties d'emprunts à risque sans bénéficier de l'aide du fonds de soutien. Ce risque de rupture d'égalité emporterait des conséquences contentieuses et financières non maîtrisables, qui pourraient se révéler préjudiciables à l'ensemble des parties prenantes. Enfin, la réouverture du fonds génèrerait une situation d'aléa moral en conduisant à favoriser in fine des collectivités qui ont mis en risque le succès de l'ensemble du dispositif en choisissant la voie contentieuse.

Sénat - R.M. N° 01963  - 2018-01-04