Pour lutter contre la crise inflationniste, le Sénat a introduit dans la loi « pouvoir d'achat » du 16 août 2022 la possibilité d'utiliser les titres-restaurant pour l'achat de produits alimentaires non directement consommables.
Cette dérogation initialement prévue jusqu'au 31 décembre 2023, a été prolongée par le législateur jusqu'au 31 décembre 2024.
Réunie le 4 décembre 2024, la commission des affaires sociales a adopté une version amendée de la proposition de loi visant à prolonger une nouvelle fois cette dérogation jusqu'au 31 décembre 2025.
Un dispositif de financement du repas des salariés dont le champ d'utilisation a augmenté
Les titres-restaurant ne pouvaient initialement être acceptés que par les restaurateurs et hôteliers-restaurateurs, avant de voir son utilisation étendue aux détaillants en fruits et légumes, puis aux commerces assimilés agréés par la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR), notamment des commerces de bouche et des grandes et moyennes surfaces.
Contrairement à la prime de panier, les titres-restaurant n'ont qu'une affectation possible : le règlement du repas du salarié. Afin de s'en assurer, le repas acheté au moyen de titres-restaurant est, en principe, composé de préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler, notamment de produits laitiers ; il peut également être composé de fruits et légumes, qu'ils soient ou non directement consommables. A contrario, il ne peut être utilisé pour acheter des boissons alcoolisées.
Un assouplissement temporaire permettant l'achat de produits non directement consommables
Si le dispositif n'a pas pour vocation première de soutenir le pouvoir d'achat des salariés, il a été mobilisé à cette fin pour faire face à la forte inflation rencontrée lors des dernières années : + 5,2 % en 2022 et + 4,9 % en 2023.
Le Gouvernement a d'abord choisi de rehausser par décret le plafond d'utilisation des titres-restaurant de 19 euros à 25 euros par jour à compter du 1er octobre 2022, afin de prendre en compte l'appréciation du prix des denrées alimentaires. De même, la loi de finances rectificative du 16 août 2022 a rehaussé le plafond d'exonération de la participation de l'employeur afin de permettre une augmentation de la valeur moyenne des titres.
Lors de la discussion de la loi portant mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat du 16 août 2022, la rapporteure Frédérique Puissat a proposé d'assouplir les règles qui encadrent l'utilisation du titre-restaurant en l'étendant aux produits alimentaires non directement consommables. Consciente des risques de dilution de la vocation originelle du titre-restaurant, et dans le but de préserver les restaurateurs également frappés par l'inflation, la commission a prévu que cette dérogation demeure temporaire, jusqu'au 31 décembre 2023.
Cette dérogation a par la suite été prorogée par la loi du 26 décembre 2023 jusqu'au 31 décembre 2024, considérant que les motifs qui avaient prévalu à la mise en place de cet assouplissement étaient toujours valables.
Une nouvelle prolongation d'un an, dans l'attente d'une réforme plus ambitieuse
Malgré le ralentissement de l'inflation, la flexibilité introduite pour l'achat de denrées non directement consommables reste plébiscitée par les salariés en ce qu'elle peut répondre à des préférences et régimes alimentaires personnels, à la situation des zones rurales où l'offre de restaurant est plus faible ou encore au cas des salariés en télétravail.
Face à ce constat, la proposition des députés propose de proroger à nouveau la dérogation jusqu'au 31 décembre 2025. L'article unique a fait l'objet, contre l'avis de la rapporteure de l'Assemblée nationale, d'une réécriture lors du passage en commission qui conduisait à pérenniser le dispositif dans le code du travail. Les débats ont séances sont revenus au caractère dérogatoire du dispositif, mais ont souhaité le prolonger jusqu'au 31 décembre 2026.
Les travaux de la CNTR ont, depuis le vote intervenu à l'Assemble nationale, permis d'actualiser les chiffres concernant l'utilisation des titres-restaurant. Il en ressort que la part de marché des restaurateurs diminue au profit des grandes et moyennes surfaces (GMS). Cependant ce constat ne permet pas de statuer sur un effet de causalité avec l'extension des titres-restaurant aux aliments non-directement consommables. En effet les comportements de consommation ont eux-mêmes pu évoluer, et il faut souligner que les aliments non-directement consommables ne représenteraient pas plus de 25 % des achats en GMS à l'aide de titres-restaurant. Par ailleurs, le volume de titres-restaurant émis a augmenté, ce qui explique qu'en valeur absolue le revenu des restaurateurs liés aux titres-restaurant a continué d'augmenter depuis 2022.
Assemblée nationale - Proposition de loi adoptée sans modification