RH - Jurisprudence

RH - Jurisprudence // Irrégularité du déclassement d’un agent ayant dénoncé des faits de violences au sein du centre aéré de sa commune,

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 05/10/2021 )



D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

En l'espèce, M. D..., attaché principal, a été recruté par la commune à compter du 1er janvier 2013, pour exercer les fonctions de responsable des affaires scolaires au sein de la Maison de la famille. Le 2 mai 2013, l'adjointe au chef de service de la Maison de la famille l'a informé qu'un parent d'élève lui avait signalé que son enfant avait été victime de violences à caractère sexuel de la part de certains de ses camarades et qu'au vu de la gravité de ces violences et de leur caractère répété, l'intéressé avait décidé de ne plus confier son enfant au centre de loisirs et découvertes.

M. D... a, par courriel du même jour, immédiatement informé sa hiérarchie directe ainsi que le responsable administratif de la Maison de la famille, la personne responsable périscolaire à l'origine de cette information étant en copie de son courriel.

En réponse, le maire de la commune lui a reproché d'avoir mis en copie ces deux responsables du secteur enfance et l'a sévèrement critiqué aux motifs qu'il n'avait pas fait preuve d'une attitude raisonnée à l'égard de cet incident et qu'il avait exprimé son avis sur les faits portés à sa connaissance et sur les mesures éventuelles qui pouvaient être prises.  Par une délibération du 12 mai 2014, le conseil municipal a décidé de modifier le tableau des effectifs de la commune et de supprimer l'emploi de chef du service des affaires scolaires occupé par M. D....

En conséquence de cette délibération, par trois arrêtés du 30 juin 2014, le maire a placé M. D... en surnombre et a supprimé sa prime de fonctions et de résultats ainsi que la nouvelle bonification indiciaire qui lui avait été attribuée. Par un jugement n°s 1406540, 1407971, 1407974, 1407975 du 2 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions au motif que le maire aurait dû rechercher à reclasser M. D... dès la date de mise en oeuvre de la restructuration de la Maison de la Famille, soit le 9 septembre 2013, cette restructuration s'étant traduite par la création de quatre pôles sous l'animation directe de la directrice générale adjointe des services, la responsabilité de l'un ou l'autre de ces pôles n'ayant jamais été proposée à M. D....

En supprimant le poste occupé par M. D..., la délibération du 12 mai 2014 a été à l'origine d'un déclassement professionnel que la commune ne peut justifier alors que ce poste avait été créé à peine dix-huit mois auparavant. En revanche, il résulte des éléments produits au dossier, notamment eu égard à la teneur du courrier du maire en date du 2 mai 2013 et de l'avis défavorable à la suppression dudit poste émis par la commission administrative paritaire, que ce déclassement professionnel résulte de la volonté délibérée du maire de voir M. D... quitter au plus vite les effectifs de la commune y compris en ne lui proposant que des postes ne comportant aucune fonction d'encadrement, avec un régime indemnitaire sensiblement inférieur à celui qui s'appliquait à sa situation.

Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir qu'en raison de sa mise à l'isolement, de l'atteinte à sa dignité qui en a résulté et de la dégradation de ses conditions de travail ainsi que son état de santé que cette situation a engendré, il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 3 juillet 1983, de nature à justifier la réparation du préjudice moral qu'il a subi, ledit préjudice devant être fixé à la somme de 7 000 euros.

CAA de PARIS N° 20PA00074 - 2021-06-09
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