Urbanisme et aménagement

RM - Détournement du droit par l'usage de baux emphytéotiques

Article ID.CiTé du 26/05/2025



Le droit de préemption, qu'il relève de la prérogative d'une collectivité territoriale ou de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), n'est susceptible de s'exercer qu'à réception de la déclaration d'intention d'aliéner s'appliquant à des mutations à titre onéreux des biens, et non en cas de passation d'un bail, quelle que soit sa nature, et notamment un bail emphytéotique.

En principe (sauf clause contraire dans le bail), le preneur à bail emphytéotique se voit conférer un droit de superficie temporaire, véritable droit de propriété immobilière, sur les améliorations, constructions et autres plantations dont il est l'auteur, qui s'ajoute, à titre d'accessoire, au droit réel de jouissance portant sur l'immeuble. Si le bail emphytéotique, prévu à 
l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime , échappe, par nature, aux différents droits de préemption institués en matière civile (droit de préemption des co-indivisaires), urbaine (droit de préemption urbain et des espaces naturels sensibles) ou rurale (droit de préemption de la SAFER), il ne constitue pas, à raison des circonstances entourant sa conclusion, une vente déguisée, destinée à faire fraude au droit de préemption. Il est de longue date très prisé, en tant que support juridique, par exemple de la part d'associations afin de mettre en valeur des immeubles reçus en legs et, plus récemment, pour des activités telles que le développement des énergies renouvelables.

Il est difficile d'exciper a priori du caractère frauduleux d'un bail emphytéotique. Le juge rappelle cependant que si ce bail prévoit un transfert du droit réel de propriété à la fin du contrat, ce dernier sera, lui, soumis au droit de préemption. Il appartient donc au notaire, chargé d'établir le bail, de déterminer si ce dernier est soumis au droit de préemption, selon l'effectivité du transfert de la propriété à la date d'expiration du bail. À cet égard, il est recommandé à l'ensemble de la profession, représentée par le Conseil supérieur du notariat, la plus grande vigilance.

Les collectivités territoriales ne sont par ailleurs pas démunies face aux installations et constructions illicites en zone naturelle ou agricole, aussi désignées sous le vocable de « cabanisation », qui constituent un phénomène complexe qui revêt des contours extrêmement variés, de l'habitat léger de loisirs à l'extension illégale de constructions existantes en passant par des problématiques d'habitat précaire.

Ainsi la 
loi n° 2019-1461  du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, a ouvert des moyens nouveaux à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, bien souvent le maire, afin de permettre une action rapide pour traiter les infractions en matière d'urbanisme. C'est ainsi que les articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l'urbanisme  prévoient un mécanisme de mise en demeure de régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction au code de l'urbanisme.

Concrètement, une fois le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé, l'autorité compétente a la faculté de mettre en demeure l'auteur de cette infraction de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de sa construction ou de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser a posteriori. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros maximum par jour de retard dont le produit revient à la collectivité compétente en matière d'urbanisme.

Il s'agit donc là d'un moyen supplémentaire mis à disposition des collectivités pour traiter les installations et constructions illégales.

Sénat - R.M. N° 02222 - 2025-05-08