Finances - Fiscalité

RM - Financement participatif des collectivités territoriales.

Article ID.CiTé du 23/12/2022



Il peut être rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du règlement européen, le financement participatif était encadré juridiquement en France depuis 2014, par l'ordonnance du 30 mai 2014 .

Depuis cette date, les plateformes numériques de financement participatif étaient soumises à un statut différent selon le type de financement proposé par souscription de titres ou par octroi de prêts ou de dons :
(i) conseillers en investissements participatifs (CIP) pour les financements participatifs sous forme de titres (ou prestataire de services d'investissement (PSI), si la plateforme fournit en outre un service de conseil en investissement) ;
(ii) intermédiaires en financement participatif (IFP) pour les financements participatifs sous forme de prêts (à titre onéreux ou à titre gratuit) et de dons.

Les collectivités territoriales pouvaient souscrire un prêt ou une obligation participative, sans restriction de champ. Elles pouvaient faire cette démarche auprès d'établissements de crédit, ou auprès d'organismes bénéficiant de dérogations au monopole bancaire, par exemple un IFP ou un CIP. Par exception à l'obligation de constituer une régie de recettes en cas de financement participatif, 
l'article D. 1611-32-9  du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1670  du 14 décembre 2015 prévoyait qu'un recours au financement participatif par une collectivité territoriale pouvait être conduit sans régie de recette, mais avec une convention de mandat. Cette exception était limitée au seul financement de projet au profit d'un service public culturel, éducatif, social ou solidaire et à deux catégories d'instruments de financement participatif, les prêts et les dons.

Le 
règlement européen (UE) 2020/1503  du 7 octobre 2020 a créé un cadre européen harmonisé en matière de financement participatif.
 - Il renforce les possibilités de recours au financement participatif : les plateformes de financement peuvent désormais proposer leurs services dans l'ensemble de l'Union européenne et aider à des levées de fonds plus élevées (5 M€ contre 1 M€ auparavant pour les prêts), et auprès d'un public plus large (les personnes morales peuvent être prêteurs).
 - Il encadre les pratiques du marché avec des exigences de protection du consommateur : pour exercer, les plateformes de financement mettant en relation les porteurs de projet et les contributeurs sont dotées d'un nouveau statut de « prestataire de services de financement participatif » (PSFP), agrément délivré par l'Autorité des marchés financiers, avec le concours de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

L'ordonnance n° 2021-1735  modernisant le cadre relatif au financement participatif du 22 décembre 2021 (et son décret d'application n° 2022-110  du 1er février 2022) a ainsi été prise pour mettre en conformité le droit français avec ce cadre européen. Pour les activités de financement participatif couvertes par le champ d'application du règlement européen, le nouveau statut unique de « prestataire de services de financement participatif » (PSFP) se substitue au statut de CIP (conseiller en investissement participatif). Le financement participatif des collectivités est pleinement assuré pour les activités de financement participatif non couvertes par le règlement européen, c'est-à-dire les prêts à titre gratuit, les dons ou les financements de projets non commerciaux. L'ordonnance permet en effet aux PSFP d'offrir également ce type de services, et maintient l'existence des actuels intermédiaires en financement participatif (IFP), qui pourront continuer d'exercer sur ces champs.

Selon le projet considéré, le financement proposé à un même porteur de projet personne morale, par exemple une collectivité territoriale, pourra donc relever du régime des PSFP ou de celui des IFP. Pour rappel, 
l'article 48 de la loi DDADUE  d'octobre 2021 étend tout d'abord le champ des projets pouvant faire l'objet d'un financement participatif à l'ensemble des services publics, à l'exception des missions de police et du maintien de l'ordre. Il rend également possible pour les personnes morales d'accorder des prêts à des collectivités territoriales et à leurs groupements, dans la limite d'un prêt par projet.
Par ailleurs, et à titre expérimental pour une durée de trois ans à partir du 1er janvier 2022, il dispose que les collectivités territoriales
(i) peuvent recourir à des émissions obligataires à travers les plateformes de financement obligataire, les conditions de ce recours devant faire l'objet d'un projet d'arrêté interministériel ;
(ii) peuvent confier l'encaissement du revenu tiré d'un projet de financement participatif à un organisme public ou privé sous forme de titre de créance par convention écrite, sans avoir l'obligation d'instaurer une régie de recette.

Un arrêté doit fixer les critères d'éligibilité pour les collectivités territoriales et les établissements publics concernant le recours à des émissions obligataires. Concernant cet arrêté nécessaire à la mise en œuvre de l'expérimentation, l'existence de risques inhérents au financement participatif obligataire pour les collectivités doit être rappelée.

L'encadrement réglementaire de l'expérimentation doit donc permettre de limiter ces risques en précisant les conditions de recours à ce nouvel outil, notamment en matière de transparence sur ses coûts. Il doit également permettre une objectivation des coûts respectifs des différentes sources de financement pour les collectivités. De même, il importe que les décisions de recours à ce type de financement qui alourdissent par définition l'encours de la dette des collectivités, puissent être prises au regard de son impact sur leur capacité de désendettement, comme c'est le cas pour les autres sources de financement.

L'enjeu est dès lors de prévoir des modalités d'expérimentation qui sécurisent la participation des collectivités, notamment l'impact sur leur situation financière, à travers un contrôle opéré par les services de l'Etat et basé sur des critères objectifs. Une dématérialisation sécurisée de la procédure de candidature à l'expérimentation sera également proposée, afin d'alléger le processus pour les collectivités et services territoriaux.

En tout état de cause, le Ministère chargé de l'Economie, des Finances et de la souveraineté Industrielle et Numérique en lien étroit avec celui en charge des collectivités territoriales, entend mener à bien la mise en place de cette expérimentation, de manière fluide et sécurisée pour les collectivités locales, d'ici le début de l'année 2023.


Assemblée Nationale - R.M. N° 435 - 2022-12-06