Tourisme

RM - Locations saisonnières particulières et courriers abusifs de la SACEM

Article ID.CiTé du 28/11/2023



Le code de la propriété intellectuelle (CPI) reconnaît aux titulaires de droits de la musique des droits patrimoniaux sur leurs œuvres, prestations ou phonogrammes. Les sommes dont le paiement est aujourd'hui réclamé par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) aux exploitants d'hébergements touristiques (hôtels, résidences de tourisme, chambres d'hôtes, gîtes et meublés de tourisme) qui procèdent à des diffusions musicales dans leurs parties communes ou leurs chambres couvrent non seulement la rémunération due aux auteurs et compositeurs, mais aussi la rémunération, dite « rémunération équitable », due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de la diffusion publique des phonogrammes du commerce.

L'intervention de la SACEM est juridiquement fondée, s'agissant des droits d'auteur, sur
 l'article L. 122-2 du CPI  qui soumet à l'autorisation de l'auteur la représentation de son œuvre, laquelle consiste dans la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». Selon les juridictions françaises et européennes, la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication soumis au droit d'auteur (cf. notamment CJCE, 7 décembre 2006, C 306/05 ).

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a certes écarté l'existence d'un tel acte dans des affaires récentes concernant la location de véhicules équipés de postes de radio ou encore la présence de systèmes de sonorisation dans des moyens de transport, mais sur la base d'un raisonnement qui n'est pas transposable aux hypothèses où « des prestataires de services transmettent délibérément à leur clientèle des œuvres protégées, en distribuant un signal au moyen de récepteurs qu'ils ont installés dans leur établissement » (
CJUE, 2 avril 2020, C-753/18 ; v. dans le même sens : CJUE, 20 avril 2023, C 775/21 et C 826/21 ).

En outre, selon la jurisprudence actuelle de la CJUE, il suffit que l'œuvre soit mise à la disposition du public de sorte que les personnes puissent y avoir accès sans qu'il soit déterminant qu'elles utilisent ou non cette possibilité. Le fait que les clients n'aient pas mis en marche l'appareil de télévision et n'aient pas eu effectivement accès aux œuvres n'a pas été jugé déterminant (cf. CJCE, 7 déc. 2006, SGAE, C 306/05).

Au-delà du bien-fondé de l'intervention de la SACEM, la question de l'adéquation du montant des redevances réclamées demeure une préoccupation importante pour les professionnels du secteur touristique. Le ministère de la culture n'est pas compétent pour intervenir dans la fixation des modalités de collecte et de répartition de cette rémunération - cette dernière ne constitue pas en effet une taxe ou une redevance de nature fiscale -, mais demeure attentif à ce que les organismes de droit privé, telle que la SACEM, prennent en compte les préoccupations exprimées par les propriétaires de gîtes et de chambres d'hôtes.

À cet égard, la SACEM a introduit en 2014 un système de tarification simplifié réservé aux petits établissements d'hébergement touristique disposant de 10 chambres ou moins, ainsi qu'aux chambres d'hôtes et gîtes. Le montant de ce forfait annuel, soit 120,11 € HT en 2022 au titre des droits d'auteur, tend à harmoniser le traitement de ces petites structures. Ce forfait a été établi par référence au minimum applicable aux établissements hôteliers. Il convient en effet de s'assurer que le traitement spécifique accordé aux établissements d'hébergement touristique n'induise pas de distorsion de concurrence au détriment des exploitants d'établissements hôteliers.

En vue de simplifier les modalités d'accès aux œuvres, sans pour autant priver les auteurs de leurs droits et de la juste rémunération de leur activité créatrice, la SACEM poursuit actuellement des discussions avec les principales fédérations et associations représentant les acteurs de l'hébergement touristique. Cela devrait permettre d'adapter les conditions de son intervention à la réalité des exploitations les plus modestes.


Assemblée Nationale - R.M. N° 12265 - 2023-11-21