Urbanisme et aménagement

Refus de raccordement électrique d'un " mobil-home " implanté en zone NLb - Recherche de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale

Article ID.CiTé du 03/09/2019



Il résulte des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige et dont la teneur est actuellement reprise à l'article L. 111-12 de ce code, que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors.

Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, au regard des éléments apportés par le pétitionnaire, et le cas échéant des éléments que lui soumet l'administration, si la construction dont le raccordement aux réseaux est demandé peut être regardée, compte tenu de la date de son édification et des exigences applicables à cette date en matière d'autorisation de construire, comme ayant été régulièrement édifiée.

En l'espèce, M. B...ne conteste pas que l'habitation légère dont il a sollicité le raccordement au réseau d'électricité a été édifiée sans autorisation d'urbanisme. Il n'allègue, par ailleurs, pas que cette installation était, à la date à laquelle elle a été réalisée, dispensée de toute formalité. D'autre part, la circonstance que l'habitation considérée soit un " mobil-home " ne permet pas, pour autant, de la regarder comme une habitation légère de loisirs, au sens de la législation d'urbanisme, une telle habitation étant destinée à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs et non à l'habitat permanent. 

Par suite, M. B...ne saurait utilement, pour soutenir que l'installation de son habitation a été régularisée, se prévaloir de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ainsi que de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme, relatif aux créations de terrains de camping et de parcs résidentiels de loisirs. Dans ces conditionsle maire de la commune de Pornichet a légalement pu, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, s'opposer au raccordement définitif du bâtiment litigieux au réseau d'électricité.


INGERENCE DANS LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET FAMILIALE ?
Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 

La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

En l'espèce, ainsi que le fait valoir M.B..., l'implantation irrégulière en 1974 du mobil-home qu'il a acquis en 2008 ne lui est pas imputable, il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme annexé à l'acte de vente mentionnait, outre l'absence de raccordement du terrain aux réseaux d'électricité, d'eau et d'assainissement, le classement de ce terrain en zone NLb. En vertu du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Pornichet, n'était pas autorisée dans cette zone à vocation naturelle et destinée aux activités de loisirs de plein air la construction de maisons d'habitation que ce soit à usage temporaire ou permanent. Ainsi, M. B...ne pouvait raisonnablement ignorer que le " mobil-home " implanté sur le terrain dont il a fait l'acquisition, seule installation au sein d'un secteur vierge de tout bâti et en partie constitué d'espaces boisés ainsi que cela ressort de la vue aérienne et de l'extrait de plan de zonage qu'il verse aux débats, avait été édifié de manière irrégulière.

Par ailleurs, il ressort des différents courriers adressés entre 2008 et 2014 par le maire de la commune à l'intéressé que ce dernier a été informé à plusieurs reprises de ce que l'implantation de son " mobil-home " en zone NLb faisait obstacle à son raccordement définitif au réseau d'électricité. A cet égard, la seule circonstance qu'il a bénéficié durant près de six années de raccordements provisoires ne permet pas de regarder la commune comme ayant entretenu une incertitude sur la situation juridique de son terrain ni comme l'ayant assuré de la possibilité d'un raccordement définitif ultérieur de son mobil-home

En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...serait dans l'impossibilité de se loger ailleurs. Si celui-ci fait valoir que ses ressources ne lui permettent pas d'acquérir un logement équivalent, dans un secteur identique, à Pornichet, les préférences personnelles de l'intéressé en termes de lieu de résidence et de cadre de vie ne relèvent, pas en l'espèce, de considérations dont l'importance excéderait celles imposant aux administrés de se conformer au respect des règles d'urbanisme. 
Dans ces conditions, et alors même que le terrain sur lequel est implantée l'habitation litigieuse s'inscrirait dans un secteur au sein duquel certaines constructions sont autorisées, le maire de Pornichet n'a pas, en s'opposant au raccordement définitif au réseau d'électricité de l'habitation de M.B..., porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi tenant au respect de la vocation de la zone NLb ainsi qu'au motif d'intérêt général poursuivi par l'interdiction de raccordement aux réseaux, consistant à assurer le respect des règles d'utilisation des sols en faisant obstacle à ce que le raccordement de propriétés aux réseaux aboutisse à conforter des situations irrégulières. La circonstance que M. B...se soit acquitté de la taxe d'habitation et de la taxe foncière ne revêt aucune incidence sur cette appréciation.

CAA de NANTES N° 19NT00589 - 2019-07-19