Tourisme

Sus au tourisme de masse !

Article ID.CiTé du 25/09/2019



Venise, le Parthénon, Versailles, Barcelone: de nombreuses destinations prisées des touristes s’inquiètent des foules sans cesse plus denses qui viennent les envahir. Dégradation et usure des sites, exclusion des populations locales: la manne financière apportée par ces hordes de visiteurs ne suffit plus à calmer les mécontents.
La sensibilité croissante au gâchis énergétique allonge l’acte d’accusation. Le tourisme de masse avait accompagné et symbolisé la démocratisation des loisirs et le rapprochement des peuples. Il en représente désormais l’impasse. Et si le temps était venu d’en finir avec le tourisme, c’est-à-dire de renouer avec sa vraie signification?

Le tourisme prend désormais la forme de monstrueuses migrations dont le principe n’est plus de découvrir et de s’ouvrir, mais de se désennuyer.
Le voyage n’est plus le lent cheminement d’une caste cultivée qui cherchait à apprendre, mais l’expression d’une quête de sens désespérée de populations culturellement désorientées. La forme contemporaine du tourisme traduit ce changement complet d’esprit. On ne visite plus réellement une cité. On l’observe de haut à travers le double vitrage d’horribles autocars qui en bouchent les rues. Le lieu n’est que la toile de fond et le prétexte du selfie. La perche à selfie et le cadenas souvenir procèdent de la même logique: non pas tant prouver aux autres qu’on a été quelque part, mais se le prouver à soi-même, tant l’expérience réelle aura été superficielle, incapable de laisser d’empreintes durables.

Comment le touriste pourrait-il voir les autochtones puisqu’il les remplace?
Comment rencontrerait-il réellement une autre culture puisqu’il se déplace en meutes compactes cloîtrées l’espace de quelques jours dans des hôtels stéréotypés? Le touriste revient exactement tel qu’il était en partant. Le voyage organisé aura soigneusement éloigné tout imprévu, prévenu toute friction. Il aura déployé le kaléidoscope convenu d’images piochées dans un catalogue mental de lieux communs. Dans L’Hiver de la culture, l’ancien conservateur du Centre Pompidou Jean Clair décrit avec une mordante justesse les hordes déferlant dans les musées. Les touristes défilent en hâte devant des tableaux auxquels ils ne comprennent rien, dépourvus de toutes les clés culturelles qui leur permettraient d’avoir accès à leur signification. (…)


Institut Sapiens - Article complet - 2019-09-24