RH - Jurisprudence

Tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 20/10/2020 )



D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

En l'espèce en laissant M. A... sans attribution pendant une période prolongée de près de six ans, alors qu'il appartenait à l'AP-HP, soit de lui proposer une affectation, soit, si elle l'estimait inapte aux fonctions correspondant à son grade, d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, l'AP-HP a méconnu la règle qui implique le droit pour tout fonctionnaire en activité de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, et a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
(…)

Il résulte de la situation telle que décrite ci-dessus que pendant la période incriminée, M. A... a été exclu du service des gardes auquel il est en principe astreint en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté du 21 décembre 1960. L'AP-HP en défense, n'établit pas, ni même n'allègue que cette exclusion serait intervenue dans le cadre des dispositions de l'article 43-2 du décret du 24 février 1984 ou se serait trouvée justifiée par l'intérêt du service en se bornant à soutenir avoir été contrainte, en 2006, de modifier les attributions de M. A... et que M. A... n'effectuait que peu de gardes antérieurement à cette date. L'administration a donc commis une deuxième illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

En revanche si M. A... soutient avoir été contraint de changer de bureau, de manière peu courtoise, à deux reprises, il ne résulte pas du dossier que ces modifications dans ses conditions matérielles de travail, intervenues dans un contexte, allégué par l'AP-HP, de manque de locaux, revêtent un caractère fautif.

Indemnisation partielle des préjudices
Une décision administrative illégale et donc nature fautive, elle est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration à raison toutefois des seuls préjudices présentant un lien direct et certain avec la faute commise.

En l'espèce, si M. A... était en droit de recevoir dans un délai raisonnable une affectation correspondant à son grade, il lui appartenait également, compte tenu tant du niveau de responsabilités exercées que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction, d'entreprendre des démarches auprès de son administration afin d'obtenir cette affectation.

A cet égard, si M. A... produit quatre courriers adressés à ce sujet à ses supérieurs hiérarchiques et au directeur de l'AP-HP, ces courriers sont demeurés peu nombreux alors qu'il est resté sans aucune affectation pendant plus de six ans et exclu des gardes pendant plus de dix ans. Dans ces conditions, et eu égard aux éléments rapportés au présent arrêt relatifs à la pratique professionnelle de M. A..., il y a lieu d'exonérer l'AP-HP d'un tiers de sa responsabilité.


CAA de VERSAILLES N° 16VE02839 - 2020-09-29

 
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