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RH - Jurisprudence

RH - Jurisprudence // Illégalité du recrutement d’un agent par recours abusif à quinze CDD sur six ans

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 28/07/2022 )



RH - Jurisprudence // Illégalité du recrutement d’un agent par recours abusif à quinze CDD sur six ans
Les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 subordonnent la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Elles se réfèrent ainsi à une " raison objective ", de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. En outre, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Toutefois, il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs, présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

En l'espèce, du 1er mars 2012 au 30 juin 2018, soit sur une période de six ans et quatre mois, M. C... a été recruté sur le fondement des dispositions de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, afin de pourvoir un emploi vacant n'ayant pas pu l'être immédiatement dans les conditions statutaires, par quinze contrats à durée déterminée d'une durée de trois à six mois, pour exercer principalement les fonctions d'agent technique " évènements " au sein du service des relations publiques et internationales de la commune, en charge de l'organisation de missions événementielles, ainsi que de missions protocolaires et de signalement, consistant, entre autres, à préparer le matériel nécessaire à la mise en œuvre d'un évènement, à livrer, installer et désinstaller le matériel pour les diverses initiatives menées par la commune, et à participer aux réceptions municipales en assurant parfois le service ou des missions d'accueil.
En outre, il a exercé, durant la période en cause, pendant quatre mois, des fonctions d'agent d'entretien du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2012, en remplacement d'un fonctionnaire absent.

Par ailleurs, chacun des quinze contrats à durée déterminée signés sur cette période mentionne le motif du recrutement, " pour permettre le bon fonctionnement des services municipaux, il convient de procéder au recrutement d'un agent non titulaire afin de pourvoir l'emploi n'ayant pas pu être immédiatement pourvu dans les conditions statutaires ".

Si figurent dans les visas de chacun des contrats conclus sur la période du 1er mars 2012 au 30 juin 2018, la mention de la vacance de l'emploi au tableau des effectifs, ainsi que celle de la déclaration de vacance d'emploi auprès du Centre de gestion, la date de celle-ci et le numéro d'enregistrement, la commune ne produit pas d'autres éléments de nature à justifier la recherche infructueuse de recrutement d'un agent titulaire sur une aussi longue période.

En tout état de cause, les dispositions de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 limitent à une durée totale de deux ans, dans le cas de figure concerné, le recours à un agent non titulaire. M. C... est dès lors fondé à soutenir que la commune, eu égard à la nature des fonctions exercées, et au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, a recouru de manière abusive à des contrats à durée déterminée dans le cadre de son recrutement. Par suite, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard du requérant qui peut ainsi prétendre à la réparation des préjudices directs et certains qu'il a subis du fait de l'interruption de la relation d'emploi avec la commune.

Evaluation du préjudice
En premier lieu, le préjudice financier subi par M. C... doit être évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Il résulte de l'instruction, et notamment du bulletin de paie de juin 2018 versé au dossier par le requérant, que la rémunération de base devant être prise en compte pour le calcul d'une telle indemnité, nette des cotisations de la sécurité sociale et sans y inclure ni les indemnités pour travaux supplémentaires ni les autres indemnités accessoire, s'élève en l'espèce à la somme de 1 320,11 euros, correspondant à un traitement de base brut de 1 537,01 euros. Eu égard au nombre de six années durant lesquelles M. C... a exercé ses fonctions au sein de la communes, le préjudice résultant pour le requérant de la perte de cet avantage financier, auquel il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, doit être évalué à six fois la moitié de la rémunération de base, soit la somme de 3 960,33 euros, somme portant intérêts à compter du 19 avril 2018, date de réception de la réclamation préalable avec capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2019 et à chaque échéance annuelle à cette date.

En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant en condamnant la commune à lui allouer une somme globale de 2 000 euros en réparation desdits préjudices, somme portant intérêts à compter du 19 avril 2018 avec capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2019 et à chaque échéance annuelle à cette date.


CAA de PARIS N° 21PA02659 -  2022-07-05


 



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