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RH - Jurisprudence

RH - Jurisprudence // Mutation d’office d’un fonctionnaire : sanction déguisée ou mutation dans l’intérêt du service

(Article ID.CiTé/ID.Veille du 29/11/2023 )



RH - Jurisprudence //  Mutation d’office d’un fonctionnaire : sanction déguisée ou mutation dans l’intérêt du service
La mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle et matérielle de ce dernier.
Pour prononcer une mutation d'office dans l'intérêt du service à l'encontre de M. D..., la décision ministérielle du 7 décembre 2020 relève la création d'une société ayant pour objet un commerce de produits de la mer dont le siège social est fixé au logement concédé par nécessité de service sans autorisation préalable de sa hiérarchie au titre du cumul d'activité, l'information de la hiérarchie de la création de cette société le 5 septembre 2019, peu avant la diffusion d'un reportage télévisé dans lequel il apparaît comme l'exploitant, ainsi que l'ouverture d'une enquête préliminaire qui " a permis d'établir que l'adjudant D... et sa compagne le gendarme C... avaient commis des faits susceptibles de constituer des infractions pénales (gestion de fait, conflit d'intérêt et travail dissimulé) ". Elle indique également que les faits commis par M. D... ont porté atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme et mentionne un courrier du 17 décembre 2019 du procureur de la République informant le commandement qu'il estimait que l'adjudant D... et le gendarme C... avaient " perdu tout crédit et toute confiance pour pouvoir exercer leurs fonctions dans le ressort du TPI de Nouméa ". Le ministre en déduit que, compte tenu notamment des répercussions médiatiques de l'affaire, le maintien de l'adjudant D... est de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service.

La Cour a examiné si la mutation constituait une sanction déguisée et si elle avait porté atteinte à la situation professionnelle et matérielle de M. D....
D'une part, la décision litigieuse qui éloigne M. D... de près de 17 000 kilomètres de son domicile et de son lieu de naissance, alors que le requérant allègue, sans être efficacement contredit, qu'il existait d'autres postes disponibles plus proches, pour l'affecter sur un poste en métropole alors que le centre de ses intérêts matériels et moraux a été fixé en Nouvelle-Calédonie depuis le 20 octobre 2014, a pour effet d'entraîner une dégradation objective de sa situation professionnelle et matérielle.
D'autre part, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de la décision ministérielle, que la mesure est motivée, notamment, par une atteinte portée à " l'honneur et à la dignité de la fonction de gendarme ".
Si l'administration demande que ce motif soit neutralisé, il ne résulte pas de l'instruction que la même décision aurait été édictée uniquement au regard des autres motifs, étant précisé que M. D... a continué à servir sans restrictions jusqu'à son départ en juillet 2020 dans son service d'origine au sein duquel il a donc continué à traiter les enquêtes judiciaires en cours. L'intention poursuivie par l'administration dans ce contexte révèle ainsi une volonté de sanctionner M. D..., lequel a d'ailleurs été affecté en métropole uniquement sur le dixième des onze vœux géographiques qu'il avait formulés, davantage qu'une volonté de préserver le bon fonctionnement du service.

La Cour a également relevé que la mutation semblait être motivée par une volonté de sanctionner plutôt que par un souci du bon fonctionnement du service
Il suit de là que la mesure n'a pas été prise uniquement dans l'intérêt du service mais constitue en réalité une sanction, laquelle était donc subordonnée à l'application des dispositions des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 précités du code de la défense. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la procédure préalable et les garanties accordées aux militaires faisant l'objet d'une sanction disciplinaire n'ont pas été respectées, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'un détournement de procédure.


CAA de NANCY N° 23NC00356 - 2023-11-07



 







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