
La Cour des comptes rend publics son rapport sur le budget de l’État en 2018, ainsi que 66 analyses de l’exécution budgétaire, notamment par mission et par programme.
En 2018, l’exécution a été mieux maîtrisée qu’au cours des années précédentes, notamment grâce à une programmation plus sincère des dépenses. Malgré des recettes plus élevées que prévu, le déficit de l’État s’est toutefois creusé, en raison des baisses d’impôts et de dépenses qui continuent à progresser, même à un rythme ralenti, notamment la masse salariale. Le déficit de l’État diverge ainsi de celui de l’ensemble des administrations publiques, attestant de sa place particulière au sein de celles-ci.
La complexité sans cesse croissante du cadre budgétaire de l’État, par ailleurs lacunaire et instable, nuit à l’analyse de la dépense et de son efficacité, notamment en raison de l’ampleur des dépenses fiscales et du recours croissant aux fonds sans personnalité juridique. La démarche de performance, dont le bilan est décevant, doit être refondée pour améliorer l’efficience de la dépense.
Les résultats de l’exécution 2018
Pour la première fois depuis 2014, après trois ans de quasi-stabilité, le déficit budgétaire de l’État s’est accru, passant de 67,7 Md€ en 2017 à 76,0 Md€ en 2018. Il a représenté 23,4 % des dépenses nettes du budget général (contre 21 % en 2017), soit un montant supérieur à celui des recettes de l’impôt sur le revenu (73 Md€) ou aux dépenses de la missionEnseignement scolaire (71,6 Md€).
Le déficit de l’État en comptabilité nationale atteint 3 points de PIB et la dette de l’État continue à augmenter, contrairement à la situation constatée pour l’ensemble des administrations publiques, dont le déficit a baissé (59,6 Md€, soit 2,5 points de PIB), notamment grâce à l’excédent dégagé pour la deuxième année consécutive par la sécurité sociale (10,7 Md€, soit 0,5 point de PIB). Ces trajectoires divergentes attestent du rôle particulier de l’État au sein des administrations publiques. Celui-ci compense en effet les baisses de prélèvements obligatoires qu’il impose aux collectivités locales et à la sécurité sociale. Il porte donc l’essentiel du coût net des baisses de prélèvements qu’il a mis en œuvre, ainsi que la charge d’intérêts de près de 80 % de la dette publique.
L’évolution des recettes et des dépenses
Les recettes fiscales nettes de l’État diminuent légèrement par rapport à 2017, les importantes baisses de prélèvements (-16,5 Md€), décidées en 2018 ou antérieurement, annulant l’évolution spontanée des recettes fiscales, restée dynamique en 2018. La contribution française à l’Union européenne progresse de 4,3 Md€, tandis que la baisse du prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales ( 3,5 Md€) est plus que compensée par l’attribution de TVA aux régions, les transferts aux collectivités locales dépassant pour la première fois leur montant de 2014.
L’exécution des dépenses a été proche de la programmation de la loi de finances initiale et les nouvelles normes de dépenses ont été respectées. Les sous-budgétisations ont été limitées à 1,5 Md€ en 2018 contre 4,4 Md€ en 2017. Le taux de mise en réserve a été fortement abaissé sur les crédits hors masse salariale, passant de 8 % en 2017 à 3 % en 2018, et les gels complémentaires en cours de gestion ont été modérés. La progression des dépenses du budget général a été limitée à 0,3 % à périmètre constant, soit une hausse beaucoup moins marquée qu’en 2017 (+3,2 %), mais la masse salariale progresse de 2 %, malgré la stabilisation des effectifs.
Un cadre budgétaire de l’État complexe et peu lisible, une démarche de performance à refonder
Le périmètre des dépenses du budget général ne correspond pas à une vision complète et cohérente des dépenses de l’État, qui forment un ensemble hétérogène, peu lisible et instable. En outre, les crédits budgétaires ne retracent qu’une partie du financement de certaines politiques publiques, qui passe aussi par des dépenses fiscales, des rattachements de fonds de concours, l’affectation de taxes à des opérateurs ou un recours croissant aux fonds sans personnalité juridique. Ces contournements portent atteinte à la cohérence du cadre budgétaire et limitent la capacité du Parlement à appréhender dans leur globalité les enjeux financiers associés à l’action de l’État, notamment sur longue période.
La démarche de performance introduite par la LOLF visait à passer d’une gestion par les moyens à une gestion par les résultats. Son bilan est globalement décevant : l’information produite sur la performance, surabondante mais souvent inopérante pour évaluer l’efficience des politiques publiques, est peu utilisée par le Parlement et insuffisamment connue du grand public. Elle n’influence que marginalement l’allocation des moyens. Le dispositif doit être clarifié en distinguant les objectifs de niveau politique et ceux de gestion, et s’inscrire dans un environnement plus global propice à l’efficience de la dépense, avec une plus grande responsabilisation des gestionnaires, et la mise en œuvre régulière de revues de dépenses ou d’évaluations des politiques publiques.
Cour des comptes - Rapport complet - 2019-05-15
Certification des comptes 2018 de l’État
Cour des comptes - 2019-05-15
Relations avec les collectivités territoriales 2018
Les dépenses de la mission Relations avec les collectivités territoriales ne représentent qu’une faible part des flux financiers de l’État vers les collectivités territoriales (3,4 % en 2018), la majorité de ces flux étant constituée de prélèvements sur recettes.
La consommation de crédits a globalement baissé de 13,64 % en AE entre 2018 et 2017 compte tenu de la création en 2017 d’un fonds de soutien exceptionnel à la destination des régions, de 450 M€, afin d’accompagner celles-ci dans le renforcement de leur compétence "développement économique", qui n’a pas été pérennisé en 2018, seuls les CP restant disponibles.
Les dépenses en CP ont progressé de 5,39 %, ce qui est cohérent avec la priorité donnée aux dépenses d’investissement et l’engagement croissant d’AE durant les années récentes dans ce cadre.
En 2018 l’effort effectué en faveur de l’investissement local a été confirmé par la pérennisation de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) au sein de laquelle une enveloppe réservée au grand plan d’investissement a été identifiée et sortie de l’assiette de la réserve de précaution. Les crédits en AE de la DSIL sont désormais gérés en totalité par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et non plus partagés avec le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), à compter de 2018.
Dans ce cadre, la DGCL a engagé en 2018, en lien avec la direction du budget (DB), des travaux pour mieux évaluer les rythmes de décaissement des crédits en fonction de l’avancée réelle des projets. Le caractère récent de la DSIL n’a pas permis de mener la réflexion à son terme. Elle devra être poursuivie en 2019, en tenant compte du caractère plus structurant des projets soutenus que pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ce qui peut expliquer un rythme d’engagement des projets plus lents.
Compte tenu de l’évolution de l’architecture de la mission, la question reste posée du positionnement de la réserve de précaution sur les dotations constitutionnellement dues et de la nécessité de les exclure du périmètre de l’application du gel opéré en LFI dès lors que ces dotations ne peuvent qu’être dégelées avant la clôture de l’exercice, souvent tardivement.
La gestion a de nouveau été marquée par un dégel tardif des crédits, qui n’a cependant pas pour la première fois concerné l’ensemble de la réserve de précaution, ce qui a impliqué des mouvements de fongibilité au sein de la mission.
Les recommandations au titre de l’année 2018
Recommandation n°1 : (réitérée) Veiller à la fiabilité des prévisions de besoins de crédits de paiement relatifs aux dotations d’investissement.
Recommandation n°2 : (réitérée) Répartir la réserve de précaution sur un périmètre pertinent au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales pour ne pas avoir chaque année à décider son dégel sur les dotations juridiquement dues.
Recommandation n°3 : (réitérée) Regrouper les crédits de fonctionnement et d’investissement propres de la direction générale des collectivités locales au programme 216 - Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.
Recommandation n°4 : (réitérée) Supprimer la dépense fiscale n°730220 "Taux de 10 % pour les prestations de déneigement des voies publiques rattachée à un service public de voirie communale". .
Recommandation n°5 : (modifiée) Définir des indicateurs de performance adapté à chaque type de dotation (DSIL,DSID) évaluant leurs résultats, notamment leur effet levier sur l’investissement public local et les délais de mise en œuvre.
Cour des comptes - Synthèse complète - 2019-05-15
Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale 2018
En 2018, la consommation des AE et des CP du CAS Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (FACÉ) est en amélioration par rapport à l’année précédente. La consommation d’AE s’élève à 91 % des crédits disponibles (LFI 2018 + reports). La consommation des CP s’élève à 97 % des crédits ouverts en LFI et 53 % des crédits disponibles (LFI 2018 + reports).
La consommation très satisfaisante des AE est à rapprocher des actions de pédagogie et d’information menées par le bureau compétent à l’intention des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE).
Une équipe intégralement constituée de fonctionnaires
Depuis 2018 et le départ en retraite du dernier agent EDF mis à disposition de la mission, la gestion du FACÉ est intégralement assurée par des fonctionnaires au sein d’un bureau dédié de la DGEC. L’équipe est cependant en sous-effectif et sans chef de bureau depuis avril 2018. Ce sous-effectif explique le report d’un certain nombre de chantiers dont la réforme du CAS.
La réforme du CAS : un chantier à initier sans délai
Différentes réformes réglementaires, par modification du décret du 14 janvier 2013, sont prévues afin notamment d’améliorer la consommation des CP. Certaines réformes ont un caractère urgent : la redéfinition de nouveaux critères de ruralité qui doit être achevée avant les élections municipales de 2020 ou l’inscription réglementaire du mécanisme de pénalités pour stocks d’aides non consommées. Un déficit à apurer
Le CAS est déficitaire depuis sa création en 2012. Ce déficit est lié aux autorisations d’engagement "techniques" à hauteur de 410 M€ ouvertes sans crédits de paiement associés. Cette opération budgétaire visait à assurer le paiement des engagements antérieurs à 2012 décidés quand la gestion était assurée par EDF. Ce déficit se reporte d’année en année avec une légère diminution liée d’une part à la sous-réalisation des programmes prévisionnels et d’autre part aux reports d’AE dans une moindre valeur que les reports de CP.
L’apurement du déficit a débuté cette année. Toutefois il conviendrait en parallèle de mener une évaluation rigoureuse du montant réel de ce déficit de crédits de paiement, tenant compte de ceux devenus sans emploi compte tenu de la sous-réalisation structurelle des engagements contractés depuis 2012.
Un volet performance à recentrer
Les indicateurs de performance du CAS ne sont pas tous pertinents. Certains ne sont pas pilotables par le ministère et pour d’autres, leur suivi n’apporte qu’une faible valeur ajoutée. Supprimer ces indicateurs et en créer de nouveaux permettrait de rendre effectivement compte de l’efficacité de la mission.
Recommandations
Recommandation n°1 (DGEC) : Définir un plan d’actions pour mieux dimensionner la consommation des CP en fonction des AE octroyées et éviter les très importants reports en CP. Recommandation n°2 (DGEC-DB) : Établir sans délai un état exact et documenté du déficit du CAS et proposer, sur cette base, un plan d’apurement efficace.
Recommandation n°3 (DGEC) : Améliorer la redevabilité et la gestion des retraits d’engagement.
Recommandation n°4 (DGEC-DGOM) : Engager sans délai les réformes réglementaires du CAS, en priorisant les plus urgentes (redéfinition des critères de ruralité et inscription du mécanisme de pénalités pour stock d’aides) et y intégrer, en plus des mesures visant à améliorer la consommation, des mesures visant à améliorer l’efficacité globale du dispositif dans les collectivités ultramarines (modification de la clé de répartition des crédits, création d’un sous-programme spécial, mais également portage d’une réflexion sur la création d’un syndicat départemental en Guyane, etc.).
Recommandation n°5 (DGEC) : Poursuivre l’amélioration du dispositif de contrôle des travaux et de leur coût, et se doter rapidement d’une base de données fiable sur les caractéristiques des opérations, leur coût et leur efficacité. Recommandation n°6 (DGEC) : Recentrer le volet performance du CAS autour d’indicateurs, existants ou à créer, plus pertinents dans l’évaluation de l’efficacité de la mission, pilotables par le ministère et dont le suivi apporte une réelle valeur ajoutée.
Cour des comptes - Synthèse complète - 2019-05-15
Avances aux collectivités territoriales 2018
L’exécution du compte d’avance en 2018 aboutit à un solde excédentaire de 581 M€. Il est supérieur de 92 M€ à la prévision de la loi de finances initiale.
Les recettes enregistrées par le programme 833 "Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes" s’élèvent à 104,510 Md€ et ont augmenté de 2,275 Md€ par rapport à l’exercice précédent (+2,23 %).
Les dépenses, correspondant au montant des ressources fiscales versées aux collectivités territoriales, représentent 103,930 Md€ et se sont accrues de 1,856 Md€, soit 1,82 % à périmètre constant. Le programme 832 "Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie" n’a enregistré aucune dépense ni recette en 2018.
Cour des comptes - Synthèse complète - 2019-05-15
Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales 2018
Les prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales représentent 38 % de l’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales et 84 % des concours financiers de l’État à ces mêmes collectivités.
La fin de la contribution qui a été demandée de 2014 à 2017 aux collectivités territoriales dans le cadre du redressement des finances publiques, d’une part, et le remplacement de la part régionale de DGF par une fraction de TVA, d’autre part, ont modifié sensiblement la composition des PSR. Ainsi, le montant des PSR en 2018 a diminué de 3,5 Md€ par rapport à l’exécution 20172 . Cependant, contrairement aux années précédentes, cette diminution qui résulte essentiellement de la baisse de la DGF (3,9 M€) est compensée par le transfert aux régions d’une part de TVA (4,2 Md€). Ainsi, les concours financiers, qui rassemblent les PSR, la part de TVA transférée aux régions et les crédits de la mission RCT, ont, eux, augmenté d’1 Md€ en 2018 alors qu’ils avaient diminué de 3,9 Md€ en 2015, de 4 Md€ en 2016 et de 2,1 Md€ en 2017.
L’exécution 2018 des PSR (40,3 Md€) est légèrement inférieure (20 M€) au montant de la loi de finances initiale pour 2017. Le taux d’exécution des PSR s’est amélioré en 2018 par rapport aux années précédentes et le FCTVA, qui présentait une sous-exécution récurrente depuis plusieurs années, a été mieux réalisé que les années précédentes. L’automatisation de son versement, qui devait contribuer à une amélioration de sa prévision, a cependant été reportée à 2020.
Les recommandations formulées au titre de la gestion 2018
Après l’analyse de l’exécution en 2017, la Cour renouvelle les recommandations qu’elle a formulées au titre de l’exécution 2017, hormis la recommandation mise en œuvre en 2018.
Recommandation n° 1 (réitérée): Donner une définition plus précise du périmètre des concours financiers de l’État selon qu’ils relèvent de prélèvements sur recettes ou de dotations budgétaires.
Recommandation n° 2 (réitérée) : Saisir l’opportunité de l’automatisation de la gestion du FCTVA pour mesurer l’impact de l’élargissement du périmètre de l’assiette du FCTVA à certaines dépenses de fonctionnement.
Cour des comptes - Synthèse complète - 2019-05-15
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