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Juris - Droit de préemption - Le Conseil Constitutionnel annule les dispositions de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975

Article ID.CiTé du 11/01/2018



Juris - Droit de préemption - Le Conseil Constitutionnel annule les dispositions de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975
Synthèse extraite du commentaire du Conseil Constitutionnel : "…. Il résulte de la jurisprudence constitutionnelle que le droit de préemption, qui vient restreindre les conditions d’exercice du droit de propriété, est conforme à la Constitution s’il est justifié par un objectif d’intérêt général et s’il ne constitue pas, compte tenu de l’objectif ainsi poursuivi, une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété. Après avoir rappelé cette formulation de principe (paragr. 4), le Conseil constitutionnel a distingué d’une part le droit de préemption du locataire ou de l’occupant de bonne foi, d’autre part le droit de préemption de la commune. 

En ce qui concerne le droit de préemption du locataire ou de l’occupant de bonne foi, le Conseil a d’abord précisé qu’il ne peut s’exercer qu’à l’occasion de la première vente d’un local d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel consécutive à la division ou subdivision de l’immeuble qui l’inclut, suivant l’interprétation constante qui en est donnée par la Cour de cassation (paragr. 5). 

Le Conseil constitutionnel a ensuite caractérisé l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur : il s’agit de permettre aux intéressés d’être maintenus dans leur logement, alors, notamment qu’ils peuvent être menacés, dans le cadre d’une opération spéculative, de se voir signifier leur congé, à l’échéance du bail ou à l’expiration de leur titre d’occupation, par l’acheteur de leur local (paragr. 6). Un tel objectif ressort des différents travaux préparatoires, qui révèlent la volonté du législateur de protéger le locataire ou occupant de bonne foi d’une opération spéculative d’achat suivi d’une revente.

Toutefois, compte tenu de l’objectif ainsi poursuivi, le Conseil constitutionnel s’est interrogé sur la durée pendant laquelle ce droit de préemption est susceptible de s’appliquer, ainsi que sur ses titulaires. 
En effet, le législateur a lié le droit de préemption à la division de l’immeuble. Ce faisant, il a considéré que le locataire est plus exposé au risque de perdre son logement lorsque l’immeuble a fait l’objet d’une division. Effectivement, la liquidité du marché est plus importante pour les petits lots et, ce faisant, la probabilité de se voir signifier un congé pour vente est plus élevée dans ce cas : dans le cadre d’opérations spéculatives, il est plus intéressant de vendre un logement non occupé et, donc, préférable de signifier son congé au locataire en cause. 
Pour autant, ce qui est vrai pour le locataire de l’immeuble au moment de sa division, ne l’est plus pour celui qui lui succède après cette division. Ce nouveau locataire prend à bail un appartement appartenant à un immeuble déjà divisé. Il est dans la même situation que le locataire d’un immeuble divisé, dès sa construction, auquel le juge judiciaire a considéré que le droit de préemption n’était pas susceptible de s’appliquer. 

Dès lors, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation, suivant laquelle "compte tenu de l’objectif ainsi poursuivi, la protection apportée par le législateur ne saurait, sans méconnaître le droit de propriété, bénéficier à un locataire ou à un occupant de bonne foi dont le bail ou l’occupation sont postérieurs à la division ou la subdivision de l’immeuble et qui ne sont donc pas exposés au risque [de se voir signifier leur congé à l’échéance du bail ou à l’expiration du titre d’occupation par le nouvel acquéreur de l’immeuble, à la suite d’une opération spéculative, facilitée par la division de l’immeuble]" (paragr. 7) 
En outre, le Conseil a rappelé les garanties légales qui assortissent ce droit de préemption, à savoir qu’il "s’exerce seulement dans un délai de deux mois après la notification de l’offre de vente et au prix notifié par le propriétaire. En outre, en vertu du paragraphe III de l’article 10, le droit de préemption ne s’applique ni à la vente d’un bâtiment entier, ni à celle intervenant entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus, ni à celle relative à certains immeubles à destination de logement social" (paragr. 8).

Le Conseil a déduit de ces garanties légales que, sous la réserve d’interprétation susmentionnée, le droit de préemption reconnu au locataire ou à l’occupant de bonne foi par les dispositions contestées ne porte pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi (paragr. 9).


Le Conseil constitutionnel s’est ensuite attaché à l’objet du droit de préemption de la commune
Il a tout d’abord observé qu’en l’instaurant, le législateur a poursuivi le même objectif d’intérêt général que pour le droit de préemption du locataire (paragr. 11) : il s’agit d’aider les locataires moins fortunés à se maintenir dans leur logement et de les préserver des effets délétères des ventes à la découpe. Toutefois, le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur n’a pas pour autant restreint l’usage que la commune est ultérieurement susceptible de faire du bien ainsi acquis. En particulier, "il n’a imposé à la commune aucune obligation d’y maintenir le locataire ou l’occupant de bonne foi (…)" (même paragr.) : la loi précise uniquement que l’exercice de ce droit a pour objet d’assurer le maintien dans les lieux des locataires. Aucune disposition n’impose à la commune d’utiliser le bien conformément à cette destination première. Une fois le bien préempté, la commune est seulement tenue par la poursuite du bail précédent et rien ne lui interdit de céder à nouveau ce bien. 

Par comparaison, l’article L. 213-11 du code de l’urbanisme prévoit expressément que les biens acquis par l’exercice du droit de préemption urbain des communes "doivent être utilisés ou aliénés pour l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1 [c’est-à-dire ceux justifiant le recours au droit de préemption]" et que "si le titulaire du droit de préemption décide d’utiliser ou d’aliéner pour d’autres objets […] un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l’acquisition de ce bien en priorité". De la même manière, l’article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime énumère les objectifs justifiant le recours au droit de préemption des SAFER. 

Le Conseil a également mis en avant le dernier alinéa du paragraphe I de l’article 10, qui prévoit qu’à défaut d’accord amiable, le prix de vente est fixé par le juge de l’expropriation et que le propriétaire ne peut reprendre la libre disposition de son bien, en l’absence de paiement, qu’à l’échéance d’un délai de six mois après la décision de la commune d’acquérir ce bien au prix demandé, la décision définitive de la juridiction de l’expropriation ou la date de l’acte ou du jugement d’adjudication (paragr. 12). 

Ainsi, l’intensité de l’atteinte portée au droit de propriété est plus forte puisque, d’une part, l’intéressé peut se voir imposer une cession à un prix, déterminé par le juge, qu’il n’a pas fixé, et que, d’autre part, la disposition est susceptible d’allonger considérablement les délais de vente. 

Le Conseil constitutionnel a déduit de ces deux éléments relatifs à l’objectif poursuivi et à l’intensité de l’atteinte portée aux intérêts des propriétaires que "les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété". Les deux derniers alinéas du paragraphe I de l'article 10 doivent être déclarés contraires à la Constitution. (paragr. 13). 
Considérant qu’aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a prononcé cette censure à effet immédiat(paragr. 18).


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A noter : le Conseil constitutionnel juge de manière constante que "le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit" (paragr. 14). 
Le requérant critiquait la différence de traitement qui résulterait du fait qu’une vente consécutive à une cession à titre onéreux entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré ne serait pas considérée comme une première vente soumise à préemption alors qu’il en irait ainsi de la vente consécutive à une transmission à titre gratuit entre parents. 
En réponse, le Conseil a souligné que la "vente consécutive à une transmission, à titre gratuit entre parents, se distingue de la vente directe à un parent en ce qu’une cession à titre gratuit ne peut faire l’objet d’un droit de préemption" (paragr. 15). La différence de traitement instituée est en rapport avec l’objet de la loi. 
Après avoir relevé qu’ils "ne sont pas entachés d’incompétence négative et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit" (paragr. 16), le Conseil a déclarés conformes à la Constitution, sous la réserve énoncée au paragraphe 7, les quatre premiers alinéas du paragraphe I ainsi que la deuxième phrase du paragraphe III de l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové

Conseil constitutionnel - Décision n° 2017-683 QPC - 2018-01-09


 




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