L’engagement de la responsabilité pour faute dolosive des constructeurs, responsabilité trentenaire jusqu’à la réforme du code civil de 2008, suppose la réunion de conditions très strictes et dont les fondements doivent être précisément établis. (…)
Le Conseil d’Etat ne retient pas la faute dolosive en cas d’absence d’intention frauduleuse du constructeur. En effet, la gravité des désordres engendrés de son fait, fût-elle importante, ne suffit pas si l’intention dolosive n’est pas établie. (CE, 28 juin 2019, société Icade Promotion, n° 416735, B ; CE, 16 mars 1998, n°139738, A). Le constructeur mis en cause ne doit pas avoir pu ignorer les conséquences prévisibles de son action ou de son inaction (CE, 3 avril 1991, société SMAC Acieroid, N° 84626, A).
En l’espèce, la gravité des désordres causés par l’utilisation d’un béton de mauvaise qualité est abondamment établie par l’établissement requérant.
Toutefois, il n’établit pas l’intention frauduleuse des constructeurs, ni même la violation grave par ceux-ci de leurs obligations contractuelles commise volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences.
En effet, en se référant au rapport d’expertise aux termes duquel « la généralisation des fissures de dalles (…) aurait dû susciter plus de curiosité de la part des entreprises, bureau d’études et bureau de contrôle » et « la découverte d’une résistance de 17,1 MPa alors qu’il en est attendu 25 MPa aurait dû éveiller l’attention des entreprises, bureau d’études et bureau de contrôle », le requérant peut être regardé comme établissant une négligence volontaire dans l’action des constructeurs, sans établir qu’ils ne pouvaient en ignorer les conséquences.
L’expert fait référence au compte rendu d’une réunion qui s’est tenue en 1992, alors que de premières fissures avaient été constatées sur les bâtiments fraîchement édifiés. Il le commente en ces termes : « les participants sont unanimes pour écarter tout problème de vice grave de construction ayant provoqué la fissuration apparente en surface des planchers. ».
Le rapport indique également qu’une expertise menée à l’époque « conclut qu’il n’existe pas de risque imminent d’effondrement » en 1992 et rappelle surtout que, quand bien même des fissures étaient apparentes dès cette date, « jusqu’en 2012, [l’établissement] ne remarque pas de désordre particulier. »
Ainsi, il serait difficile d’estimer que les constructeurs ne pouvaient pas ignorer les conséquences de leur abstention à investiguer davantage sur les fissures constatées en 1992 dans la mesure où, à l’époque, les études étaient formelles pour « écarter tout vice grave », et où aucun signe inquiétant n’est apparu entre 1992 et 2012 : jusqu’à combien d’années devrait-on attendre des constructeurs qu’ils se projettent pour anticiper les conséquences éventuelles de leur action ou de leur inaction lorsque des études ont été menées et que tous les voyants semblent au vert ?
Au surplus, l’existence de la réunion de 1992, seule pièce sur laquelle se fonde l’établissement requérant, ne saurait à elle seule établir la responsabilité de l’ensemble des constructeurs en cause, dès lors que son compte rendu ne fait pas apparaître la liste des participants, à l’exception du bureau de contrôle dont le nom apparaît en en-tête du document.
Ainsi, les éléments apportés au dossier par l’établissement requérant ne suffisent pas à établir que les constructeurs ne pouvaient pas ignorer la gravité des conséquences de leur action, ou inaction, d’autant plus que celles-ci ne sont apparues que vingt ans plus tard.
Enfin, corrélativement, il est à rappeler que le régime de responsabilité pour dol n’est pas, contrairement à celui de la responsabilité décennale, un régime de responsabilité présumée mais un régime de responsabilité pour faute. Dès lors, les appels en garantie des constructeurs les uns envers les autres, tels qu’ils ont été formés en l’espèce, ne laissent pas de surprendre. Y faire droit, en cas de reconnaissance de la responsabilité trentenaire des constructeurs, serait revenu à examiner deux fois la question de la faute.
TA Clermont-Ferrand N° 2001280 - 2023-01-19
Le Conseil d’Etat ne retient pas la faute dolosive en cas d’absence d’intention frauduleuse du constructeur. En effet, la gravité des désordres engendrés de son fait, fût-elle importante, ne suffit pas si l’intention dolosive n’est pas établie. (CE, 28 juin 2019, société Icade Promotion, n° 416735, B ; CE, 16 mars 1998, n°139738, A). Le constructeur mis en cause ne doit pas avoir pu ignorer les conséquences prévisibles de son action ou de son inaction (CE, 3 avril 1991, société SMAC Acieroid, N° 84626, A).
En l’espèce, la gravité des désordres causés par l’utilisation d’un béton de mauvaise qualité est abondamment établie par l’établissement requérant.
Toutefois, il n’établit pas l’intention frauduleuse des constructeurs, ni même la violation grave par ceux-ci de leurs obligations contractuelles commise volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences.
En effet, en se référant au rapport d’expertise aux termes duquel « la généralisation des fissures de dalles (…) aurait dû susciter plus de curiosité de la part des entreprises, bureau d’études et bureau de contrôle » et « la découverte d’une résistance de 17,1 MPa alors qu’il en est attendu 25 MPa aurait dû éveiller l’attention des entreprises, bureau d’études et bureau de contrôle », le requérant peut être regardé comme établissant une négligence volontaire dans l’action des constructeurs, sans établir qu’ils ne pouvaient en ignorer les conséquences.
L’expert fait référence au compte rendu d’une réunion qui s’est tenue en 1992, alors que de premières fissures avaient été constatées sur les bâtiments fraîchement édifiés. Il le commente en ces termes : « les participants sont unanimes pour écarter tout problème de vice grave de construction ayant provoqué la fissuration apparente en surface des planchers. ».
Le rapport indique également qu’une expertise menée à l’époque « conclut qu’il n’existe pas de risque imminent d’effondrement » en 1992 et rappelle surtout que, quand bien même des fissures étaient apparentes dès cette date, « jusqu’en 2012, [l’établissement] ne remarque pas de désordre particulier. »
Ainsi, il serait difficile d’estimer que les constructeurs ne pouvaient pas ignorer les conséquences de leur abstention à investiguer davantage sur les fissures constatées en 1992 dans la mesure où, à l’époque, les études étaient formelles pour « écarter tout vice grave », et où aucun signe inquiétant n’est apparu entre 1992 et 2012 : jusqu’à combien d’années devrait-on attendre des constructeurs qu’ils se projettent pour anticiper les conséquences éventuelles de leur action ou de leur inaction lorsque des études ont été menées et que tous les voyants semblent au vert ?
Au surplus, l’existence de la réunion de 1992, seule pièce sur laquelle se fonde l’établissement requérant, ne saurait à elle seule établir la responsabilité de l’ensemble des constructeurs en cause, dès lors que son compte rendu ne fait pas apparaître la liste des participants, à l’exception du bureau de contrôle dont le nom apparaît en en-tête du document.
Ainsi, les éléments apportés au dossier par l’établissement requérant ne suffisent pas à établir que les constructeurs ne pouvaient pas ignorer la gravité des conséquences de leur action, ou inaction, d’autant plus que celles-ci ne sont apparues que vingt ans plus tard.
Enfin, corrélativement, il est à rappeler que le régime de responsabilité pour dol n’est pas, contrairement à celui de la responsabilité décennale, un régime de responsabilité présumée mais un régime de responsabilité pour faute. Dès lors, les appels en garantie des constructeurs les uns envers les autres, tels qu’ils ont été formés en l’espèce, ne laissent pas de surprendre. Y faire droit, en cas de reconnaissance de la responsabilité trentenaire des constructeurs, serait revenu à examiner deux fois la question de la faute.
TA Clermont-Ferrand N° 2001280 - 2023-01-19
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