
Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
Droit d'exercer un recours
En l’espèce, contrairement aux allégations du service départemental d'incendie et de secours de secours, la consigne orale litigieuse, qui fait obligation aux sapeurs-pompiers professionnels de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale, qu'il s'agisse de la barbe, du bouc, des moustaches, des pattes ou encore des favoris, apporte des restrictions importantes aux choix personnels des intéressés concernant leur apparence physique.
Quand bien même elle aurait été édictée en vue de protéger, lors des interventions, la santé et la sécurité des agents concernés, de leurs collègues et des usagers contre les risques de contaminations liés à l'épidémie de Covid-19, elle doit ainsi être regardée comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti notamment à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne peut, dans ces conditions, recevoir la qualification de mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, contrairement à ce que soutient le service départemental d'incendie et de secours.
De même, il ressort des pièces du dossier que, par les décisions en litige des 15 et 20 avril 2020, M. D... et M. A..., du fait de leur refus d'exécuter la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, ont vu les gardes, qu'ils étaient censés assurer, déprogrammées jusqu'au 11 mai 2020, puis ont été placés en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 23 mai 2020. Les gardes constituant une composante essentielle des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels et les autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du premier alinéa de l'article 59 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le calcul des congés annuels dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux, de telles mesures portent atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut et ne peuvent, par conséquent, être regardées comme des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le service départemental d'incendie et de secours et tirée de ce que les décisions des 15 et 20 avril 2020 ne font pas grief doit également être écartée.
Consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
Aux termes de l'article 45 du décret du 10 juin 1985, alors en vigueur : " Le comité est consulté : 1° Sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ; ". Aux termes du premier alinéa de l'article 48 de ce même décret, alors en vigueur : " Le comité est consulté sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l'autorité territoriale envisage d'adopter en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. ".
En l’espèce, il n'est pas contesté que la consigne orale litigieuse a été décidée en vue de garantir l'étanchéité des masques lors des interventions et de protéger, sur le lieu de travail, la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et des usagers contre les risques de contamination liés à l'épidémie de Covid-19. Dans ces conditions, conformément aux dispositions combinées du deuxième paragraphe de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 48 du décret du 10 juin 1985, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aurait dû être consulté préalablement à l'édiction d'une telle mesure. La circonstance qu'il s'agissait d'une mesure temporaire est sans incidence, par elle-même, sur l'application de cette formalité.
Dès lors que cette consultation s'imposait sur le fondement, notamment, de l'article 48 de ce décret, le service départemental d'incendie et de secours ne peut utilement faire valoir, pour contester la nécessité de consulter ce comité, que la mesure litigieuse ne relevait pas du champ d'application de l'article 45 du même décret.
De plus, alors que le syndicat CFDT Interco fait état d'une mesure intervenue à la fin du mois de mars, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui ont été publiées au journal officiel de la République française le lendemain, étaient en vigueur à la date de l'édiction de la consigne orale litigieuse. De même, le service départemental d'incendie et de secours n'établit pas que les circonstances exceptionnelles résultant de l'épidémie de Covid-19 rendaient impossible la consultation régulière du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, alors que cette instance s'est notamment réunie les 23 mars et 3 et 14 avril 2020.
Par ailleurs, la consultation obligatoire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à l'adoption de la consigne orale visant à imposer aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, qui a pour objet d'éclairer le service départemental d'incendie et de secours sur la position de l'instance chargée au sein de l'établissement concerné de contribuer à l'amélioration des conditions de travail et à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, constitue pour les représentants du personnel et pour les agents concernés une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
L'omission de la consultation de cette instance, qui a privé les représentants du personnel et les agents concernés d'une garantie, constitue une irrégularité procédurale de nature à entacher la légalité de cette décision.
Le service départemental d'incendie et de secours ne saurait utilement soutenir que, eu égard à l'avis favorable du 11 juin 2020 émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à la délibération de son conseil d'administration du 9 juillet suivant, laquelle, au demeurant, était beaucoup moins contraignante puisqu'elle autorisait le port de la moustache et des boucs taillés, la consultation d'une telle instance aurait été sans influence sur le sens de la mesure prise. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du vice de procédure pour fonder l'annulation de la consigne orale contestée.
CAA de NANCY N° 21NC00980 - 2022-07-05
Droit d'exercer un recours
En l’espèce, contrairement aux allégations du service départemental d'incendie et de secours de secours, la consigne orale litigieuse, qui fait obligation aux sapeurs-pompiers professionnels de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale, qu'il s'agisse de la barbe, du bouc, des moustaches, des pattes ou encore des favoris, apporte des restrictions importantes aux choix personnels des intéressés concernant leur apparence physique.
Quand bien même elle aurait été édictée en vue de protéger, lors des interventions, la santé et la sécurité des agents concernés, de leurs collègues et des usagers contre les risques de contaminations liés à l'épidémie de Covid-19, elle doit ainsi être regardée comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée, garanti notamment à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne peut, dans ces conditions, recevoir la qualification de mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours, contrairement à ce que soutient le service départemental d'incendie et de secours.
De même, il ressort des pièces du dossier que, par les décisions en litige des 15 et 20 avril 2020, M. D... et M. A..., du fait de leur refus d'exécuter la consigne orale imposant aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, ont vu les gardes, qu'ils étaient censés assurer, déprogrammées jusqu'au 11 mai 2020, puis ont été placés en autorisation spéciale d'absence jusqu'au 23 mai 2020. Les gardes constituant une composante essentielle des missions confiées aux sapeurs-pompiers professionnels et les autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du premier alinéa de l'article 59 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans le calcul des congés annuels dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux, de telles mesures portent atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut et ne peuvent, par conséquent, être regardées comme des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le service départemental d'incendie et de secours et tirée de ce que les décisions des 15 et 20 avril 2020 ne font pas grief doit également être écartée.
Consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
Aux termes de l'article 45 du décret du 10 juin 1985, alors en vigueur : " Le comité est consulté : 1° Sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ; ". Aux termes du premier alinéa de l'article 48 de ce même décret, alors en vigueur : " Le comité est consulté sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l'autorité territoriale envisage d'adopter en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail. ".
En l’espèce, il n'est pas contesté que la consigne orale litigieuse a été décidée en vue de garantir l'étanchéité des masques lors des interventions et de protéger, sur le lieu de travail, la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et des usagers contre les risques de contamination liés à l'épidémie de Covid-19. Dans ces conditions, conformément aux dispositions combinées du deuxième paragraphe de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 48 du décret du 10 juin 1985, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aurait dû être consulté préalablement à l'édiction d'une telle mesure. La circonstance qu'il s'agissait d'une mesure temporaire est sans incidence, par elle-même, sur l'application de cette formalité.
Dès lors que cette consultation s'imposait sur le fondement, notamment, de l'article 48 de ce décret, le service départemental d'incendie et de secours ne peut utilement faire valoir, pour contester la nécessité de consulter ce comité, que la mesure litigieuse ne relevait pas du champ d'application de l'article 45 du même décret.
De plus, alors que le syndicat CFDT Interco fait état d'une mesure intervenue à la fin du mois de mars, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020, qui ont été publiées au journal officiel de la République française le lendemain, étaient en vigueur à la date de l'édiction de la consigne orale litigieuse. De même, le service départemental d'incendie et de secours n'établit pas que les circonstances exceptionnelles résultant de l'épidémie de Covid-19 rendaient impossible la consultation régulière du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, alors que cette instance s'est notamment réunie les 23 mars et 3 et 14 avril 2020.
Par ailleurs, la consultation obligatoire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à l'adoption de la consigne orale visant à imposer aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires le rasage complet de toute pilosité faciale, qui a pour objet d'éclairer le service départemental d'incendie et de secours sur la position de l'instance chargée au sein de l'établissement concerné de contribuer à l'amélioration des conditions de travail et à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, constitue pour les représentants du personnel et pour les agents concernés une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
L'omission de la consultation de cette instance, qui a privé les représentants du personnel et les agents concernés d'une garantie, constitue une irrégularité procédurale de nature à entacher la légalité de cette décision.
Le service départemental d'incendie et de secours ne saurait utilement soutenir que, eu égard à l'avis favorable du 11 juin 2020 émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à la délibération de son conseil d'administration du 9 juillet suivant, laquelle, au demeurant, était beaucoup moins contraignante puisqu'elle autorisait le port de la moustache et des boucs taillés, la consultation d'une telle instance aurait été sans influence sur le sens de la mesure prise. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du vice de procédure pour fonder l'annulation de la consigne orale contestée.
CAA de NANCY N° 21NC00980 - 2022-07-05
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